Sutton… Que dire de Sutton et ses fantômes de neige ? Nous pourrions simplement poster les photos ici, sans texte, tellement ce parc nous a laissés sans voix et que les photos se passent de texte. Mais, j’aime écrire, alors je vais vous raconter !
13 février 2021
Notre aventure vers le parc de Sutton a commencé à 5 heures 30 du matin. Nous avions acheté les droits d’entrée une semaine à l’avance, pour la matinée. Nous devions donc entrer dans le parc entre 9 heures et midi. Mais, pour éviter la foule et être sûrs de ne pas se faire refouler si nous arrivions bon derniers et que les quotas étaient déjà atteints, nous voulions être les premiers sur les lieux.
Quitter Montréal à 6 heures 30 du matin, nous le conseillons à tout le monde ! Nous sommes seuls au monde sur les grands boulevards de la ville. Il fait froid, très froid, mais le jour qui se lève dévoile un ciel sans nuages. Depuis la voiture, nous avons droit à un lever de soleil digne d’un beau jour d’été. Nous sommes éblouis par la beauté du soleil se levant sur les buildings de la ville et sur les vastes espaces enneigés. Rien que pour cela, nous avons déjà gagné la journée.
Plus nous approchons du parc, plus nous voyons la jauge de température de la voiture descendre. Si, au départ de Montréal, elle affichait un petit, mais tout de même « raisonnable », -18°, nous avons vu défiler les degrés, toujours plus, jusqu’à atteindre un terrible -28°. Nous n’avons jamais randonné par un temps si froid. Allons-nous y laisser un orteil ? Angoisse.
Pari réussi. Lorsque nous arrivons au départ du sentier à 8 heures 20, nous sommes parmi les premiers à nous garer sur place. Depuis le parking, nous levons la tête vers les pistes de ski et, plus haut encore, vers les sommets enneigés. On discerne les arbres tout de blanc vêtus et on sent l’excitation monter. Dans quelques heures, nous serons là-haut ! L’expérience promet d’être incroyable.
Il nous faut une bonne demi-heure pour nous équiper. On superpose les couches et on cache scrupuleusement chaque partie de notre corps. Avec un tel froid, ça ne rigole plus. Enfin, nous réglons les bâtons à la bonne hauteur et fixons nos crampons. Et c’est parti !
🥾 Sentier du Round Top – 5,6 kms – 448 m de dénivelé
C’est le sentier le plus fréquenté du parc et, même de si bonne heure, cela se ressent. Nous entamons la montée avec quelques autres randonneurs.
Déjà, l’endroit est magnifique. Comme à chaque fois, nous sommes émerveillés devant les paysages enneigés. Dès qu’on s’arrête de marcher et que le crissement de nos crampons s’interrompt, nous écoutons un silence impénétrable. Le genre de silence profond et écrasant derrière lequel on devine l’immensité des grands espaces. La neige est abondante, elle fait ployer les branches des sapins. À leur pied se créent alors des sortes d’igloos végétaux suffisamment larges pour pouvoir se glisser à l’intérieur.
Les premiers mètres sont glaciaux. Nos nez sont gelés et à nos cils sont suspendues des gouttelettes cristallisées. Mais plus on monte, plus on se réchauffe. Le soleil perce à travers les arbres, le ciel est d’un bleu éclatant. On se rend compte de la chance qu’on a, au niveau météo. En réservant la randonnée une semaine à l’avance, c’était quitte ou double.
Après de longues minutes de marche, qui nous ont bien réchauffés, nous arrivons au lac Spruce. À cette époque de l’année, il s’agit simplement d’une vaste étendue blanche. Le paysage se passe de commentaires…
Plus on monte, plus la neige est en abondance. Les arbres, qui étaient seulement recouverts de neige plus bas, sont à présent franchement ensevelis. On les voit ployer sous la masse de la neige. On passe sous de véritables tunnels végétaux recouverts de neige. Avec le froid, elle s’est rigidifiée, si bien que, même en secouant les branches, on a du mal à la faire tomber.
La pente est raide vers le Round Top. Nous nous arrêtons tous les quelques mètres pour admirer la vue et prendre des photos. À chaque virage, nous sommes en mode « Oh ! », « Ah ! » Parfois, la vue se dégage sur la vallée en contrebas, et alors là, ce sont des « Wow ! » Heureusement que nous avons les crampons, sans quoi nous aurions eu des difficultés à monter ! Nous avons chaud. J’enlève mes gants, je dézippe ma veste. Qui l’eut cru ?
Finalement, nous atteignons le sommet après 3 heures de marche/arrêts photos. La vue dégagée qui s’offre à nous est à couper le souffle. Elle porte loin vers l’horizon. Quelque part entre les montagnes au loin, se trouve la frontière américaine, avec la chaîne des Appalaches. On se rend compte que seule notre montagne est si enneigée. Les autres autour sont bien moins blanches !
Au deuxième point de vue, nous sommes loin d’être seuls. Nous nous trouvons une place sous les branches d’un arbre et dégustons notre collation (dattes + noix). En voyant les autres randonneurs sortir soupes et sandwiches, nous regrettons de ne pas avoir emporté notre thermos et nos sandwiches. Il fait faim ! Mais nous ne pensions pas pouvoir manger pendant la randonnée. Manger dehors par -20° ? Finalement, nous aurions largement pu !
La boucle du sentier se termine ici. Nous avons le choix entre repartir par là où nous sommes venus ou emprunter un autre sentier qui nous fait faire une plus grande boucle. Le choix est vite fait ! Nous en avons encore sous le coude (ou plutôt dans les jambes) !
De notre point de vue, c’était LE choix à faire. La vue depuis le sommet est incroyable, mais ce n’est pas cela que nous retiendrons du sentier : c’est plutôt le sentier en lui-même. La portion que nous empruntons, dans laquelle nous sommes seuls au monde, car la plupart des randonneurs choisissent de faire seulement la petite boucle, est incroyable. La neige est si abondante que les arbres ne sont plus que d’immenses fantômes. Les fameux fantômes de neige du Québec ! Ils se dressent tout autour de nous, d’un blanc immaculé. En réalité, tout est blanc. Autour de nous, sous nos pieds, au-dessus de nous. Nous en prenons plein les yeux à chaque virage. Clairement, nous n’avons jamais vu autant de neige ^^
Et dire qu’il n’a pas neigé depuis une semaine ! Qu’est-ce que cela doit être au lendemain d’une tempête !
Nous avons entamé la descente depuis quelques minutes lorsque, malheur!, je me rends compte que j’ai perdu la rondelle d’un de mes bâtons ! Elle a dû rester enfoncée dans un tas de neige lorsque j’ai planté mon bâton en dehors du sentier pour laisser passer des randonneurs (nous n’aimons pas être suivis 😅). Nous faisons demi-tour et inspectons les endroits où je pense avoir planté mon bâton. Coup de chance, nous retrouvons ma rondelle, enfoncée dans 50 cm de neige. Ouf !
Nous repartons de plus belle. Le sentier descend en pente plus ou moins raide. Des traces au sol nous indiquent que certains randonneurs ont préféré descendre sur les fesses ! Plus nous descendons, moins les arbres sont enneigés. Bientôt, nous distinguons à nouveau leur forme. Certains sont d’ailleurs bien attaqués par les pic-bois.
Au bout du sentier, nous débouchons sur une piste de ski. Nous restons quelques minutes à observer les skieurs et snowboardeurs dévaler la piste. C’est qu’ils sont doués en ski, les québécois !
Le sentier remonte, les arbres sont à nouveau bien enneigés. Finalement, nous retrouvons le sentier que nous avions emprunté à l’aller. Nous le suivons d’un bon pas jusqu’au parking !
Lorsque nous arrivons à la voiture, il est 14 heures. Nous sommes bien contents de déchausser nos crampons – ça fait tout drôle de remarcher sans crampons, comme quand on enlève des chaussures de ski! Nous nous engouffrons dans la voiture et… Chauffage !! 😆 Nous n’avons pas souffert du froid pendant cette randonnée, mais ça fait quand même plaisir de retirer toutes nos couches de vêtements (et nos bonnets, ça graaaatte!) et de se réchauffer un peu. Nous mangeons nos sandwiches bien au chaud dans la voiture (on est affamés), puis c’est l’heure de reprendre la route du retour.
Ce que nous retiendrons de Sutton ? La vue incroyable sur les alentours depuis le sommet mais surtout, surtout, les paysages incroyables du sentier et la neige, toute cette neige ! C’est une randonnée qui nous a laissés sans voix, littéralement. Définitivement, à refaire !
Peut-être en été ?