Ah, le Pérou, ce pays mythique qui nous fait tant rêver. 24 heures après notre arrivée au Pérou, Rémi et moi échangeons un regard excité : « bon feeling, non, avec le Pérou ? ». En effet, nos premiers jours dans le pays sont riches en étonnement et en découvertes, notamment de la civilisation Chachapoyas… en tout cas, jusqu’à ce que notre pire hantise nous stoppe net : le terrible voyant moteur ! 😵 Allez, c’est parti pour la série de nos articles sur le Pérou, qui promet d’être exceptionnelle ! 🇵🇪
Vendredi 27 octobre 2023
Mais avant, étape incontournable : la douane ! Jamais nous n’avons passé une frontière si petite et si paumée. D’ailleurs, les douaniers sont contents de nous voir arriver, ça leur fait un peu d’animation. C’est bientôt la quille pour eux : ils rentrent mercredi chez eux à Quito pour quelques jours, avant d’être affectés à un autre poste frontière, qu’ils espèrent plus animé que celui-ci. On quitte l’Équateur et ses volcans après 30 minutes de procédures et on entre au Pérou après 30 autres minutes. Ici aussi, on sympathise avec le douanier, qui finit par gentiment nous exempter de fouille. On le remercie d’autant plus que notre frigo regorge de produits interdits à l’importation : fromages, charcuterie et légumes 🤭
En quelques kilomètres à peine, le Pérou nous réserve deux surprises. La première : une chaleur accablante s’abat sur nous, comme on n’en a plus connue depuis l’Amérique Centrale. Le thermomètre monte, monte, puis s’affole jusqu’à atteindre les 40 °C ! On étouffe ! La deuxième : on découvre des paysages de rizières d’un vert éclatant. On se croirait en Indonésie ! Alors là, c’est surprenant. Quand on pensait au Pérou, ce n’était pas du tout le genre de paysage qu’on s’attendait à trouver. Mais qu’est-ce que c’est beau !
Le soir venu, après une journée de route, on s’installe au sommet d’une petite colline. Pour la première fois depuis longtemps, toutes les « fenêtres » de la tente restent grandes ouvertes pour tenter de capter une petite brise. On ressort même notre petit ventilateur portable !
Dimanche 29 octobre
La journée de la veille a été une longue journée de route jalonnée de travaux. Ce matin, on part enfin se dégourdir les jambes à la découverte de la chute de Gocta. L’histoire est assez drôle : en 2002, un explorateur allemand à la recherche de vestiges de la civilisation Chachapoyas découvre par hasard cette chute d’eau. Impressionné par sa hauteur, il la mesure et découvre qu’elle fait 771 mètres de haut. Incroyable ! Personne avant lui ne s’était aperçu que la chute de Gocta était parmi les plus hautes chutes au monde ! Aujourd’hui, les habitants vantent la chute comme étant la troisième plus haute au monde. Officiellement cependant, elle est plutôt en seizième position. Une chose est sûre cependant : elle est impressionnante !
Depuis le village, nous payons les droits d’accès de 10 soles par personne (2,50 €). Puis c’est parti pour 5 kilomètres de marche sur un sentier très bien entretenu. On marche à travers une forêt humide et on aperçoit même deux coqs de roche, ce bel oiseau rouge aperçu pour la première fois à Jardín en Colombie.
De près, la chute est encore plus impressionnante !
Après la randonnée, on reprend la route en direction de la ville de Chachapoyas pour admirer l’immense canyon de Sonche depuis le mirador. Chachapoyas est la capitale de la région Amazonas, au Nord du Pérou. Elle se trouve à 2 335 mètres d’altitude, à la frontière entre les Andes et la jungle amazonienne. Il y a beaucoup de choses à découvrir autour de Chachapoyas et on compte passer plusieurs jours dans les environs. Ce qu’on ne sait pas encore, c’est qu’on va y passer plus de temps que prévu ! 😵
Lundi 30 octobre
Tu connais la civilisation inca ? Évidemment ! Mais connais-tu la civilisation Chachapoyas ? Cette mystérieuse civilisation a existé de 700 après J.C. à 1470, date à laquelle ils furent conquis… par les Incas ! Néanmoins, les Chachapoyas ne se soumirent que difficilement à la domination inca, après plus d’un an de combats acharnés. Aussi, lorsque les espagnols et notamment Pizarro débarquèrent au Pérou, ils s’allièrent aux Chachapoyas, ennemis des Incas et toujours régulièrement en rébellion, pour soumettre ces derniers. D’importants vestiges de cette civilisation parsèment les vallées du Nord du Pérou où vivait le peuple Chachapoyas. Et le plus emblématique d’entre eux, c’est sans conteste la forteresse de Kuelap, qu’on part visiter aujourd’hui. Pour y accéder, nous empruntons une piste sinueuse qui nous emmène en lacets serrés jusqu’à près de 3 000 mètres d’altitude.
Car oui : « Chachapoyas » signifie « guerriers des nuages ». Ce peuple bâtissait ses cités dans les montagnes, à des milliers de mètres d’altitude, dans les endroits les plus inaccessibles et les plus abrupts. D’ailleurs, les Chachapoyas ne descendaient jamais dans les basses terres. Très superstitieux, ils pensaient en effet que les démons y habitaient. La forteresse de Kuelap n’échappe pas à la règle : véritable prouesse architecturale, elle se trouve à près de 3 000 mètres d’altitude.
Encore aujourd’hui, la civilisation est entourée de mystère. En effet, contrairement aux Incas, la civilisation Chachapoyas est un sujet d’étude assez récent et on ne sait pas encore grand chose à son sujet. Les seules sources d’information disponibles proviennent des Conquistadors espagnols et des Incas, jamais des Chachapoyas eux-mêmes, alors que leur culture était encore bien vivante au moment de l’arrivée des Européens. Aujourd’hui, des chercheurs sont en train de fouiller, restaurer et reconstituer la forteresse de Kuelap. Seule une petite partie du site est accessible et l’entrée est donc gratuite pendant la durée des travaux. Une ouverture étroite dans le mur d’enceinte nous permet d’accéder à l’intérieur de la forteresse.
À l’intérieur, des dizaines de chercheurs et d’archéologues sont en train de mettre au jour les vestiges, de creuser, de reconstituer, de dessiner des plans, de numéroter les pierres. Ils déterrent par dizaines des morceaux de poterie, qui seront nettoyés, reconstitués si possible puis exposés dans un musée.
Considérée par les péruviens comme le « Machu Picchu du Nord », la forteresse de Kuelap a été construite au Xe siècle sur une crête dominant la vallée Utcubamba. Une impressionnante muraille de 20 mètres de haut et 600 mètres de long la protège. À l’intérieur se trouvent plus de 500 habitations circulaires en pierre. La majorité des structures a été construite entre 900 et 1100. Vu son ampleur, le site était indubitablement une cité majeure de l’empire Chachapoyas. La cité aurait accueilli environ 3 000 habitants avant d’être abandonnée en 1570 à la suite du massacre de Kuelap après la conquête espagnole, disparaissant ensuite peu à peu dans la végétation et tombant dans l’oubli… avant d’être redécouverte en 1843.
On quitte la forteresse pour se diriger vers un autre site Chachapoyas. Une nouvelle piste nous emmène haut dans les montagnes, loin de tout. Le chemin est escarpé, en mauvais état, poussiéreux, sinueux. Résultat, on parcourt 20 kilomètres en 1 heure. Quand tout à coup : le voyant moteur s’allume 😱 Horreur ! On s’arrête aussitôt, on coupe le moteur et on lance le diagnostic. Mais sans réseau, impossible de savoir ce qui ne tourne pas rond. Tant pis, on ne prend pas de risques et on fait aussitôt demi-tour pour retrouver un semblant de civilisation à Chachapoyas, trouver du réseau et de l’aide. Sauf que… Jeepy ne démarre plus ! Alors ça, c’est autre chose.
Après 5 minutes d’angoisse et plusieurs tentatives, on arrive enfin à démarrer le moteur. On contacte Christian, notre garagiste de Montréal, qui annonce un problème sur le capteur de l’arbre à came. Apparemment, il suffirait de changer le capteur. Ça semble simple… si seulement on était au Canada ! Comment trouver un capteur d’arbre à came au fin fond du Pérou ? On se rend chez un garagiste, qui téléphone à tous ses contacts. Notre carte grise dans une main, téléphone dans l’autre, il annonce à son fournisseur : « es un Jeep Wrang ». Et Rémi de compléter, la mort dans l’âme : « gler ». Oui, c’est un Jeep Wrangler. C’est mal barré… En attendant des nouvelles, on prend un hôtel à deux pas du garage en espérant pouvoir régler cette affaire au plus vite… Heureusement, on tombe sur un hôtel très confortable à 10 € la nuit. Parfait pour une nuit… ou plusieurs 😑
Mardi 31 octobre
La bonne nouvelle : le garagiste a trouvé notre pièce ! La mauvaise : elle arrive de Lima, la capitale péruvienne. Autant dire que le temps qu’elle arrive jusqu’ici, on a le temps de profiter un peu de Chachapoyas ! Ça tombe bien, c’est Halloween. Le soir venu, on part se promener dans les ruelles du centre-ville. L’animation est au rendez-vous ! Qui aurait cru que Halloween serait une fête si populaire dans une petite ville de province du Pérou ?
Vendredi 03 novembre
Voilà quatre jours que nous sommes coincés à Chachapoyas. Nos journées se résument à travailler dans la chambre d’hôtel et à manger du pollo matin et soir au restaurant d’à côté. C’est sympa Chachapoyas, mais ça manque de diversité culinaire… Heureusement, notre pièce est arrivée, en bus, de Lima après 24 heures de voyage ! Elle est aussitôt changée, puis tout est remonté et réinitialisé. Mais au moment de démarrer le Jeep, c’est un échec ! Malgré le nouveau capteur, il a toujours des problèmes au démarrage.
C’est parti pour une matinée d’investigations. Après maintes recherches et de nombreux tests effectués, le verdict tombe : le capteur (qu’on vient de changer) marchait parfaitement. Le problème venait du câble d’alimentation du capteur qui était… sectionné ! L’électro-mécanicien bricole un raccord, allume le Jeep, qui démarre au quart de tour ! Tout ça pour ça !! Mais quel soulagement ! On ne perd pas une seconde : nous avons encore de nombreux sites de la civilisation Chachapoyas à découvrir dans les montagnes environnantes. On quitte la ville, on roule 10 minutes et… devine ! Ben oui, le voyant moteur se rallume 😭
Cette fois-ci, c’est la douche froide. Et notre capteur flambant neuf, alors ? L’idée même de retourner à Chachapoyas, de ramener le Jeep au garage, de retourner à l’hôtel et de remanger du pollo nous déprime. Aussi, on décide de faire l’autruche : tant pis pour ce fichu voyant, on décide d’aller découvrir les sarcophages de Karajia coûte que coûte. Et advienne que pourra. Si, comme on le pense, c’est un capteur qui est défectueux, ce n’est pas si grave, non ? En tout cas, on l’espère, car on retourne dans des endroits bien paumés. Une piste de montagne sinueuse nous emmène dans les montagnes. On traverse des petits villages aux rues poussiéreuses et aux maisons en adobe.
Les Chachapoyas avaient des rites funéraires très singuliers. Comme la plupart des peuples andins, ils accordaient une attention particulièrement à leurs morts et pratiquaient l’embaumement. On a d’ailleurs retrouvé des momies dans des caches funéraires au centre des habitations de la forteresse de Kuelap… De plus, par respect pour leurs morts, ils plaçaient les momies dans des sarcophages. Ceux-ci étaient ensuite placés sur les flancs des montagnes, en équilibre précaire, face à la vallée. Ainsi, les défunts pouvaient veiller sur la vallée en contrebas. Plus tard, cet emplacement en hauteur s’est révélé utile : cela leur a permis de rester hors de portée des pilleurs !
Les sarcophages de Karajia font 2,5 mètres de haut. Alors, comment faisaient-ils pour les placer sur les versants abrupts de la montagne ? Mystère. Ils sont en bois et recouverts d’un mélange de boue et de chaume. La tête représente un masque funéraire. La tête de deux d’entre eux est ornée d’un crâne, ce qui laisse penser qu’ils étaient de grands guerriers. Une momie a été retrouvée à l’intérieur de chaque sarcophage, en position fœtale. Selon la culture Chachapoyas, seuls les hauts dignitaires avaient droit à un tel privilège.
De retour au Jeep, celui-ci peine à démarrer. La question se pose à nouveau : que faire ? C’est la mort dans l’âme qu’on décide finalement de retourner au garage de Chachapoyas. Durant toute l’après-midi, le garagiste et son électricien font des tests. Et finalement de conclure : « je ne sais pas ». Bon, nous voilà guère plus avancés. Peut-être le nouveau capteur est-il défectueux ? Pff. Réunion de crise. Forts de notre mésaventure au garage de Bogota, où les garagistes avaient engendré plus de problèmes qu’ils n’en avaient résolus, nous avons du mal à faire confiance. Tout le monde ici est très sympa et désireux d’aider, mais ils font de la mécanique générale et on les sent clairement dépassés par notre problème. Or, on ne veut prendre aucun risque.
Deux solutions s’offrent à nous : rouler jusqu’à Lima (1 220 kilomètres) pour trouver un garage spécialisé dans les Jeep (s’il y en a !) ou retourner à Quito (1 180 kilomètres) pour demander de l’aide au garage Jeep qu’on connaît bien et qu’on sait compétent. En termes de distance, c’est kif-kif. Mais aller à Quito, c’est repasser une frontière et surtout, faire un aller-retour ! L’idée est tentante, mais trop contraignante. C’est décidé, ce sera donc Lima. La décision est difficile à prendre : entre Chachapoyas et Lima, nous avions un millier de choses à découvrir. Tout cela semble maintenant bien compromis…
Samedi 04 novembre
La nuit porte conseil ! Après la déprime, la motivation. Il n’est pas dit que des problèmes mécaniques vont gâcher notre découverte du Nord du Pérou. Ce voyant moteur nous angoisse, mais Jeepy, bien que bridé à 3 000 tours/mins, roule comme un chef. Il a juste un petit problème de démarrage, ce qui est en soit le plus inquiétant. On n’ose même pas envisager la perspective de faire venir une dépanneuse dans ces endroits si reculés… Mais on décide tout de même de prendre le risque. Après 1 heure sur la route principale, nous la quittons, à nos risques et périls, pour nous enfoncer sur une piste de montagne poussiéreuse et sinueuse comme il y en a tant dans cette région. Direction le mausolée de Revash !
Revash est un site funéraire de la civilisation Chachapoyas, situé à 2 800 mètres d’altitude. Perchées à flanc de falaise, ces petites maisons peintes abritaient les momies de hauts dignitaires du peuple Chachapoyas, qui veillaient sur la vallée même au-delà de la mort.
On part ensuite visiter le musée de Leymebamba, un petit village bien paumé. Mais pourquoi le musée de la civilisation Chachapoyas est situé dans ce trou du monde ? La raison est simple : Leymebamba est le village le plus proche de la lagune de Los Condores (à 10 h de marche tout de même), lieu où ont été découverts de nombreux vestiges archéologiques de la civilisation Chachapoyas et notamment… 212 momies ! Afin de les préserver au mieux en matière de climat et de transport, le musée a été spécialement construit pour accueillir cette impressionnante collection. Elles sont exposées dans une salle protégée de la luminosité et de l’humidité. Y a pas à dire, elles sont flippantes ces momies !
C’est sur cette « joyeuse » note que se termine notre découverte de la civilisation Chachapoyas. Nous prenons ensuite la route de Lima, que nous comptons rejoindre en plusieurs jours de route afin, on l’espère, de pouvoir résoudre notre problème mécanique !
2 comments
Coucou,
Magnifiques ces rizières et impressionnante cette collection de momies.
Je croise les doigts pour votre véhicule.
Bisous.
Mamie
C’est stressant ces problèmes mécaniques. JP a un petit coup de mou ces dernières semaines…. Allez il va s’en remettre !!
Le vert des rizières est magnifique, je l’adore !! C’est étonnant de trouver des rizières sous ces latitudes …
Quel mystère cette civilisation pré Inca, les tombes sur les falaises sont belles et tiennent debout par miracle !!
Bisous.