De Cajamarca, la ville où fut exécuté le dernier empereur Inca au canyon del Pato, une des pistes les plus dangereuses du pays, en passant par Trujillo au bord de l’océan Pacifique : récit de nos aventures péruviennes, entre problème mécanique terre à terre et civilisation ancienne déchue.
Samedi 04 novembre 2023
Quand on décide de prendre la route de Lima pour y régler notre problème mécanique sur le Jeep… eh bien, on imagine qu’on va réellement prendre la route. La belle route de la capitale ! Mais non, pas du tout. En effet, la route qui part de Chachapoyas, dans les Andes, pour rejoindre la côte, est une route de montagne comme seule la Cordillère des Andes en a le secret. Pour rejoindre notre prochaine étape, la ville de Cajamarca ( 120 kilomètres à vol d’oiseau, 470 kilomètres par la route), Google Maps nous annonce 4 heures. Les habitants du coin : 7 heures. Je te laisse donc deviner qui est le mieux informé ! 😅
C’est parti donc pour une journée de route vers Cajamarca qui tourne, tourne et monte, monte. Toujours plus haut, toujours plus loin. On atteint les nuages, tout devient opaque, puis on passe un col à plus de 4 000 mètres d’altitude et le paysage se dégage. Certains passages sont vertigineux. Les croisements sont toujours un moment d’inquiétude, surtout lorsqu’on voit venir un camion ou un bus en face. Dans ces cas-là, on trouve rapidement un endroit pour se tasser sur le bas-côté et on le laisse venir et nous dépasser avant de reprendre la route. Mais qu’est-ce que les paysages sont spectaculaires !
Le voyant moteur est toujours allumé et le Jeep bridé à 3 000 tours/minute à cause d’un capteur d’arbre à came défaillant (ou en tout cas, c’est ce qu’on pense !). Bon, sur une telle route, ce n’est pas vraiment un problème : on roule au pas. Le plus gros soucis, c’est plutôt le problème au démarrage. À tout moment, le Jeep pourrait ne plus redémarrer et alors, on serait dans la 💩 ! Aussi, de toute la journée, on n’éteint pas le moteur une seule fois !
C’est tard dans la soirée qu’on débarque à Celendin, la grande ville du coin, pas très accueillante et chaotique. La nuit tombe, alors il est temps de s’arrêter pour passer la nuit en sécurité dans un hôtel du centre-ville.
Dimanche 05 novembre
De Celendin à Cajamarca, la route est moins tortueuse et se fait plus rapidement. On arrive à Cajamarca en fin de matinée, première étape de notre road trip vers Lima. À l’entrée de la ville, on s’arrête rapidement découvrir une nécropole précolombienne : Ventanillas de Oruzco. Certaines urnes creusées à même la roche contenaient des squelettes, mais la majorité d’entre elles ont été pillées et saccagées.
Cajamarca, c’est une petite ville de province de la Cordillère à la triste histoire. En effet, c’est ici qu’en 1533, l’empire inca s’achève officiellement, avec l’exécution du dernier empereur inca : Atahualpa. Le 16 novembre 1532, après quelques pourparlers, Pizarro, un colon espagnol, invite Atahualpa à Cajamarca. Celui-ci s’y rend, accompagné de son armée de 30 000 hommes et de sa cour. Les espagnols, eux, ne sont qu’une centaine. Sur la place principale de la ville, on le somme de se convertir au « Dieu unique », mais Atahualpa refuse, ce qui déclenche la colère des espagnols. Ils massacrent la grande majorité des incas présents et capturent l’empereur. Pour racheter sa liberté, Atahualpa propose de remplir d’une fois d’or et de deux fois d’argent jusqu’à la hauteur de son bras levé la cellule dans laquelle il est emprisonné à Cajamarca.
8 mois sont nécessaires pour réunir la totalité de la rançon. La noblesse inca rassemble des trésors de tout l’empire. La valeur actuelle des trésors ainsi accumulés s’élèverait à plus de 50 millions de dollars ! 👑 Mais Pizarro, qui craignait la puissance de l’empereur et son influence sur le peuple inca, le condamne quand même à mort. Et il fait fondre en lingots le trésor d’Atahualpa ! Condamné au bûcher, Atahualpa accepte finalement de se convertir pour y échapper : en effet, les flammes ne permettaient pas la momification du corps et ainsi la vie éternelle. Il est exécuté le 26 juillet 1533 par étranglement dans sa cellule de Cajamarca. Cellule (ou sa reconstitution), qu’on visite donc aujourd’hui.
C’est ainsi que l’exécution d’Atahualpa marque communément la fin de l’empire inca indépendant. Les espagnols installèrent ensuite au pouvoir le demi-frère d’Atahualpa, Túpac Huallpa, un souverain fantoche. Affaibli et rongé par les maladies venues d’Europe, l’empire inca s’effondra en quelques années après l’exécution de son dernier empereur, malgré quelques tentatives de rébellion vite étouffées.
Lundi 06 novembre
En une après-midi et une matinée de route, nous sommes passés de 2 500 mètres d’altitude à… presque 0 ! L’océan Pacifique s’étend devant nous à perte de vue. Nous nous élançons sur la mythique panaméricaine, cette route qui relie les Amériques du Nord au Sud. Elle file tout droit sur des kilomètres, à travers des dunes de sable, des villes miteuses et une brume quasi-permanente.
On arrive à Trujillo, grande ville située sur la panaméricaine, où on décide de visiter un garage. Qui sait, sur un malentendu, ils pourront peut-être nous aider. Et si on peut éviter de rouler jusqu’à Lima, qui se situe encore à 9 heures de route au Sud, c’est tout bénéf’. Le mécano sur place prend immédiatement Jeepy en consultation. Sans hésitation, il ouvre le capot, défait le travail effectué par l’électricien de Chachapoyas et secoue la tête d’un air dépité. En effet, le câble sectionné a été rafistolé grossièrement. Il défait tout, fait une soudure propre, remonte et démarre le Jeep, qui rugit comme jamais 😞
Et voilà comment un garagiste de Trujillo a réalisé en 15 minutes ce que les garagistes de Chachapoyas n’ont pas réussi à faire en 1 semaine… Et un capteur changé pour rien en prime ! Mais quel soulagement ! Plus besoin d’aller en catastrophe à Lima ! Mieux encore, nous pouvons maintenant nous rendre dans la Cordillère Blanche péruvienne, un des highlights de notre voyage ! Plus que soulagés, nous sommes euphoriques. Avant de prendre la route, on décide de rouler un peu histoire de s’assurer que tout va réellement bien. Les déconvenues en sortant du garage, on a donné ! 🥴 Direction la station balnéaire de Trujillo pour un bol d’air frais !
On se rend ensuite au centre-ville de Trujillo pour admirer les bâtiments coloniaux colorés du centre historique. À part la place centrale, il n’y a pas grand chose à faire à part flâner et déguster une glace.
Mardi 07 novembre
Nous avons passé une mauvaise nuit dans un camping familial de Trujillo. En plus de manger des litres de poussière soulevés par la route voisine, les quatre chiens de la famille ont aboyé toute la nuit. Je suis descendue de la tente pour leur courir après et les chasser, mais rien n’y a fait. Ils ont repris de plus belle quelques minutes plus tard. Insupportable. On se réveille groggys 🥴 Heureusement, on prend une des meilleures douches depuis longtemps : brûlante avec un super débit, qui nous requinque quelque peu. Le camping se situe au pied de la pyramide du soleil du site archéologique le plus important de Trujillo : Huaca de la Luna. C’est parti pour une visite guidée !
Ce site a été construit par la civilisation Moche, une civilisation précolombienne établie sur la côte Nord du Pérou de l’an 1 à l’an 800 de notre ère. La pyramide Huaca del Sol est une des plus grandes pyramides construite par cette civilisation : elle comportait 4 niveaux et s’élevait à 50 mètres de haut. Faute de moyen financier, la pyramide n’a encore jamais été fouillée ! À 500 mètres se trouve la pyramide Huaca de la Luna. C’est là que nous emmène la guide. En partie restaurée, la pyramide présente de magnifiques fresques et frises illustrant la mythologie et les rituels Moches, dont les couleurs à l’origine vives sont maintenant estompées. Les deux pyramides furent construites vers l’an 450.
À chaque nouvelle dynastie, les Moches construisaient une nouvelle couche par dessus le temple précédent. Ainsi, en enlevant les dernières couches, les archéologues ont mis au jour d’impressionnantes fresques qui, protégées de l’érosion et des intempéries, ont quelque peu gardé leurs couleurs d’antan.
On décide de prendre la route dès la fin de la visite. Les montagnes péruviennes nous appellent ! La côte, c’est bien, mais il fait chaud, c’est plein de poussière et de déchets. Alors que les montagnes… Et celles qu’on s’apprête à découvrir nous promettent d’incroyables aventures qu’on a hâte de vivre. On ne perd pas une seconde. On suit la panaméricaine pendant 1 heure, avant de bifurquer plein Est, direction la Cordillère Blanche !
Après deux heures de route le long de la rivière Santa, un des plus importants cours d’eau du pays, on aborde l’étroit passage du Canyon del Pato. À cet endroit, la route devient une piste qui se fraye un passage entre de gigantesques falaises. C’est très impressionnant et surtout très beau.
Mais la nuit tombe, alors on ne prend aucun risque. Avant d’aborder la partie la plus étroite du canyon, on se trouve un endroit où passer la nuit. La rivière gronde quelques mètres en contrebas et les parois des falaises nous écrasent de toute leur hauteur. L’endroit est oppressant mais néanmoins magnifique.
Mercredi 08 novembre
Le canyon del Pato fait 40 kilomètres de long. Il est formé par la rivière Santa le long de laquelle court la piste que nous empruntons, considérée comme une des plus dangereuses du Pérou. Très étroite, elle serpente le long d’un passage taillé dans la roche, au-dessus de gorges vertigineuses et passe par 54 tunnels taillés eux aussi à même la pierre.
On arrive à Caraz à midi. Cette petite ville à 2 250 mètres d’altitude se situe au cœur de la Cordillère Blanche péruvienne, un massif montagneux des Andes. Nous n’avons que 5 jours pour découvrir la région, car nous devons être à Lima dans une semaine pour accueillir ma maman ! C’est devant un ceviche que nous planifions les prochains jours. Finalement, après maintes tergiversations, on se rend à l’évidence : si on veut caser le trek de Santa Cruz dans notre programme, on doit partir… demain ! Heureusement, il est encore tôt dans l’après-midi, cela nous laisse quelques heures pour nous organiser : location d’une tente et de tapis de sol, courses, liste du matériel à emporter, préparation des sacs. À 21 heures, on part se coucher dans la tente, fin prêts et motivés. Demain, nous partons pour le trek de Santa Cruz, et ça promet d’être épique !
5 comments
Bonjour à vous deux
Merci pour ces belles photos et l’histoire des sites que vous visitez, on voyage avec vous.
Pour information nous sommes les amis de calpe de vos parents.
Bravo à vous deux.
Bonjour, ravis de vous voir par ici ! 😀 C’est toujours un plaisir de partager nos voyages et de vous faire voyager ! Merci d’avoir laissé un petit message, ça nous fait très plaisir ! 🙂
Impressionnants ces décors montagneux.
Les vidéos dans la voiture m’ont donné le tournis. Désolée de le dire mais mon estomac aurait vite chaviré !!!
Bisous.
Mamie
Le mien aussi est pas loin de chavirer parfois !! Heureusement, Rémi est un pro du volant !
Ho ça va, vous n’avez croisé personne sur cette route sinueuse…. 🤣
Quelle triste histoire que celle du dernier empereur 😢
Bon par contre, effectivement, cette piste et ces tunnels sont particulièrement dangereux !!!
Bisou.