Longtemps considérée (à raison) comme la ville la plus dangereuse au monde, Medellin a repris son destin en main dans les années 2000 ! Aujourd’hui, il est possible de visiter Medellin en toute sécurité, et ce jusque dans la Comuna 13, autrefois bastion de la guerre des cartels et du trafic de drogue. Medellin attire maintenant des touristes comme nous, curieux de découvrir son nouveau visage. Alors visiter Medellin, qu’en est-il aujourd’hui ?
Dimanche 27 et lundi 28 août 2023
Après avoir roulé plus de 1 000 kilomètres sur trois jours, on a besoin de repos ! Ça tombe bien, le camping Al Bosque est l’endroit parfait pour se remettre en douceur de la frénésie des routes colombiennes ! Pendant deux jours, on prend possession du salon très confortable du camping pour travailler, de la cuisine toute équipée et de la salle de bain pour prendre des douches chaudes ! Seuls un tremblement de terre et les aboiements des 8 chiens du propriétaire, tous obèses, viennent perturber nos journées de travail. Oui, obèses. En Colombie, il semble qu’un chien très bien nourri soit un critère de bonne santé ! 😂
Les nuits sont fraîches à Santa Elena : la température descend en effet jusqu’à 10°C la nuit ! On s’emmitoufle dans la couette et le plaid et on dort bien !
Mardi 29 août
C’est le jour J : on part visiter Medellin ! On est très curieux de la découvrir de nos propres yeux et de se faire notre propre avis. Medellin a longtemps été ravagée par la guerre des cartels et le trafic de drogues et d’armes, ce qui lui a valu une mauvaise réputation jusqu’en Europe. Et pour cause : elle a fait partie des villes les plus dangereuses au monde. Mais dans les années 2000 (tout récemment donc !), la ville a repris son destin en main ! Et c’est tant mieux, car on peut maintenant visiter Medellin l’esprit tranquille. Depuis Santa Elena, niché haut dans les montagnes qui entourent Medellin, on peut accéder à la ville par le metro cable du Parc Arvi. Pas de doute, c’est le moyen par excellence pour un premier aperçu à couper le souffle sur cette gigantesque agglomération. Et quand on parle de Medellin, « gigantesque » est bien le mot.
A-t-on déjà vu une ville aussi étendue ? Certainement pas ! 😲 Elle s’étend à perte de vue dans le creux de la vallée, mais aussi sur les flancs des montagnes qui l’entourent. Depuis là-haut, on a une vue époustouflante sur cette agglomération tentaculaire, ses rues, ses immeubles, ses quartiers. Whaou, quelle entrée en matière !
Petit à petit, la ville nous apparaît plus en détail. On discerne les maisons avec leur toit de tôle, les jardinets, les toits parfois peints d’une murale ou d’un slogan politique. On passe au-dessus des rues encombrées et bruyantes. Le téléphérique nous dépose dans les hauteurs de la ville et nous en prenons un deuxième pour descendre tout en bas. Les téléphériques ont révolutionné Medellin ! Ils ont en effet joué un rôle crucial dans la pacification de la ville en permettant de désenclaver les quartiers. Les habitants peuvent maintenant accéder à la ville rapidement pour aller travailler, notamment ! Comme pour un métro, il y a plusieurs arrêts, mais on attend le tout dernier pour descendre. De là, on prend le métro aérien en direction du centre-ville. La rame est blindée. Voilà un aspect de notre vie d’avant qui ne nous manque pas ! 😅
Après quelques stations, nous voilà débarqués en plein centre-ville de Medellin. La foule nous entraine hors de la station et on plonge au cœur de la deuxième plus grande ville colombienne et deuxième ville la plus peuplée après Bogota. Medellin est une métropole de plus de 4,5 millions d’habitants ! Aussi, visiter Medellin n’est pas de tout repos.
Que dire de notre visite du centre de Medellin ? Nous sommes scotchés. Habitués aux villes coloniales touristiques, très animées certes, mais surtout très épurées pour plaire à un tourisme international, Medellin est un dépaysement. Exit les placettes coloniales où il fait bon flâner, les restaurants à touristes, les ruelles colorées et charmantes, l’animation bon enfant. Medellin, c’est la ville colombienne pur jus. Les rues sont envahies de monde. Les boutiques se succèdent par thème : téléphonie, accessoires de la maison, mode, réparation électronique, etc. Les marchands ambulants sont partout sur les trottoirs : qui vend des oranges, des batteries de téléphone, des churros, des noix de coco, des aliments frits, des boissons fraîches, des tickets de loto, des bonbons. Sur les placettes, il est même possible de payer pour monter sur une balance et connaître son poids ! 😅 On nous alpague de toute part, mais sans insistance.
Le bruit des motos, le trafic dense, les cris des vendeurs ambulants, les interpellations des rabatteurs, les klaxons, les passants. Il se passe mille et une choses autour de nous. Visiter Medellin, c’est plonger dans un véritable tourbillon. On observe tout ce qui se passe autour de nous, tous ces gens affairés à leur petit business quotidien. Puis finalement, on se prend au jeu. On achète un excellent banana cake fait maison à une dame qui en vend dans un Tupperware. D’ailleurs, au moment de payer, elle reprend la part de gâteau des mains de Rémi et lui en tend une autre en disant : « Este es màs grande » 😊 Puis on se laisse entraîner dans un dédale de petites boutiques jusqu’à un réparateur de téléphone pour changer la batterie du téléphone de Rémi.
On arrive un peu par hasard sur la Plaza Botero, l’un des incontournables d’une visite de Medellin. Ici sont exposées certaines des statues en bronze de Fernando Botero, un artiste originaire de la ville. Ces statues arborent toutes la même marque de fabrique : des formes rondes et voluptueuses ! Ceci éclaircit au moins un mystère : les chiens obèses du camping doivent être à Botero 🤣
À midi, on achète des empanadas de carne y papas et de carne y arroz dans un stand de rue. On mange ainsi pour 10 000 COP à deux, soit 2,50 € ! En plus elles sont bonnes. On les déguste assis par terre sur une des places de la ville, à l’abri d’un petit arbuste pour glaner un peu d’ombre. Puis on reprend le métro, direction cette fois-ci la Comuna 13. En attendant le métro aérien, on peut tranquillement observer la frénésie de la ville sans en faire partie, c’est plutôt agréable ! 😀
On continue de visiter Medellin avec un Free Walking Tour de la Comuna Trece (district 13), un des 16 districts de la ville. On retrouve Jenna, une américaine originaire du Wisconsin. Elle vit à Medellin depuis 1 an… Tant pis, on repassera pour un guide local ! En même temps, on a choisi le tour en anglais, ce qui n’est peut-être pas la meilleure solution pour un tour avec un gars du quartier ! 😅On prend le bus qui nous emmène au cœur de ce quartier emblématique de Medellin pour un tour de 3 h 30 dans la Comuna 13, un quartier tristement célèbre de la ville. Petit résumé de ce qu’on a appris pendant la visite de la Comuna 13, qui fut pendant un temps le quartier le plus dangereux de Medellin.
Pour commencer, l’histoire de la Comuna 13 débute dans les années 60. À cette époque, les paysans colombiens fuient les conflits armés qui sévissent dans le pays et se réfugient en ville. Ils s’installent alors sur les flancs des montagnes entourant Medellin et y construisent sans autorisation des habitations faites de bric et de broc : c’est la naissance des favelas de Medellin. Ces quartiers ne sont alors pas officiellement reconnus comme faisant partie de la ville et sont donc laissés à l’abandon. Les habitants ne perçoivent aucune aide. Ils vivent dans la plus grande pauvreté et n’ont pas accès à l’eau potable, ni à l’électricité. Livré à lui-même, le quartier échappe rapidement à tout contrôle. Les trafics et les gangs s’installent.
Dans les années 70, le Cartel de Medellin, mené notamment par le tristement célèbre Pablo Escobar, fait de la Comuna 13 son bastion. Ce cartel se spécialise dans la cocaïne. À son apogée, il exporte plusieurs tonnes de cocaïne par semaine et contrôle 90 % du marché aux États-Unis et 80 % en Europe ! C’est alors le plus grand réseau de narcotrafiquant au monde, faisant de la Comuna 13 une plaque tournante du trafic de drogues et d’armes. Le district est alors une zone de non droit. Dans les années 80 et 90, il devient le bastion de milices armées, les FARC et le ELN notamment. Le quartier devient un des endroits les plus dangereux au monde, régi par des gangs ultra violents qui font régner la peur. Les habitants sont obligés de coopérer et les enfants contraints de rejoindre les gangs dès leur plus jeune âge.
Dans les années 2000, le gouvernement du Président Uribe décide de reprendre le contrôle du quartier et lance plusieurs opérations militaires très controversées. L’opération Orion est la plus célèbre, menée en octobre 2002. Pendant quatre jours, hélicoptères, blindés et plus de 3 000 hommes « nettoient » le quartier. Bien que les chiffres ne soient pas officiellement reconnus, le bilan s’élèverait à plusieurs centaines de morts, pour la plupart des innocents, et de nombreux disparus. Il est d’ailleurs estimé que près de 2 000 corps seraient enterrés dans la décharge voisine… toujours en activité ! L’opération Orion est très controversée. Si les habitants de Colombie affirment qu’elle a permis de pacifier le quartier, les habitants de la comuna et certaines ONG dénoncent aujourd’hui un crime d’État, une opération sanglante menée contre la population et de nombreuses arrestations arbitraires. Ainsi, de nombreuses murales relatent l’histoire sanglante de l’opération Orion dans la Comuna 13 d’aujourd’hui.
Quelques années plus tard, le gouvernement accepte enfin de reconnaître la Comuna 13 et d’autres comunas comme faisant partie de l’agglomération de Medellin. Des aides se mettent en place, notamment pour désenclaver le quartier. En 2012, le gouvernement fait installer des escalators. Ils permettent ainsi de désenclaver le quartier en donnant aux habitants un accès plus facile à la ville. Fini les 400 marches à descendre et remonter pour aller travailler en ville !
Aujourd’hui, la Comuna 13 illustre parfaitement le renouveau de Medellin et la lutte de la Colombie contre les trafics et l’insécurité dans le pays. Le street art et la danse ont en effet remplacé les armes et la drogue et la Comuna 13 est devenue l’endroit le plus touristique de Medellin. Et c’est tant mieux ! Le tourisme apporte une nouvelle forme de revenu aux habitants de la comuna et leur permet de mieux vivre. Et après tout ça… nous voici à visiter la comuna 13 totalement pacifiée ! Or, pour accéder aux hauteurs de la comuna, entre escaliers et escalators, on a fait notre choix ! 😅
Le street art est partout dans la Comuna 13. D’ailleurs, seuls les artistes originaires de la comuna ont le droit de peindre les murs ! Ce moyen d’expression leur permet de raconter l’histoire de leur quartier et de s’exprimer librement. Les couleurs du drapeau colombien ont une forte récurrence dans ces œuvres : le jaune symbolisant l’or et les richesses de la terre colombienne, le bleu symbolisant l’eau et les deux ouvertures sur la mer de la Colombie (seul pays de l’Amérique du Sud ayant accès à la fois à l’Atlantique et au Pacifique) et le rouge représentant le sang versé lors de la révolution colombienne du début du 19e siècle.
En prenant de la hauteur, on obtient une superbe vue sur les toits de la Comuna 13. Tu te demandes d’ailleurs comme nous pourquoi aucune façade n’est peinte ? Jenna nous explique que les habitants doivent payer une taxe lorsqu’ils terminent la construction de leur habitation. En ne peignant pas la façade, leur maison reste inachevée et ils échappent ainsi au paiement de la taxe ! Pour nous qui sommes habitués aux villes ultra colorées, cette uniformité de ton est surprenante. Mais elle a aussi son charme !
La comuna regorge de petits coins très agréables qui pourtant cachent une lourde histoire. Ici un parc portant le nom d’un enfant de 13 ans tué par un gang rival car il avait sans faire exprès franchi une frontière invisible entre deux territoires. Ici un terrain de sport qui était autrefois la place où les membres de gang exécutaient publiquement leurs prisonniers. Aujourd’hui, les habitants se sont réappropriés leur quartier, loin de la violence et de la terreur. Les jeunes se réfugient dans la musique et dans la danse et donnent vie à ce quartier au lourd passé.
On quitte la Comuna 13 après presque 4 heures de visite. On ne s’attendait pas à trouver tant de monde ! Il est clair que d’ici quelques années, l’endroit sera devenu un grand parc d’attraction pour touristes ! Mais on est séduits par notre découverte du quartier. Quel privilège que de pouvoir librement et en toute sécurité se promener dans les ruelles de la Comuna 13, quand on sait qu’il y a quelques années encore, la zone était l’endroit le plus dangereux de Colombie ! Sans aucun doute, la Comuna 13 incarne le renouveau de Medellin, mais aussi de toute la Colombie ! Qu’en est-il aujourd’hui des gangs dans la comuna ? Ils n’ont pas totalement disparu et font encore régner l’ordre et la sécurité moyennant quelques dollars ! Mais une chose est sûre : la Comuna Trece est aujourd’hui l’endroit le plus sûr de Medellin.
1 commentaire
Ça fait bizarre de lire toute cette histoire alors que nous, les vieux, nous l’avons vécu en direct avec les journaux télévisés de l’époque. On a vécu l’histoire, vous racontez l’Histoire. C’est bien que toute cette ville et ce quartier soient à nouveau apaisés et se reconstruisent autour d’autre chose que la violence des gangs.
Bisous.