On a hésité longtemps avant d’aller à la Guajira. Pendant des semaines, on a répondu « peut-être » quand on nous demandait si on irait. Puis finalement, après quelques renseignements pris auprès de voyageurs y étant allés avant nous, nous avons pris la décision d’y aller ! On t’explique dans cet article ce qu’est la Guajira, pourquoi tant de voyageurs comme nous redoutent de s’y rendre et enfin comment visiter la péninsule de la Guajira seuls, sans guide ni agence.

Lundi 21 août 2023
La Guajira est la péninsule située à l’extrême Nord de la Colombie, à la pointe septentrionale du continent sud-américain. Elle est nichée entre la mer des Caraïbes au Nord et à l’Est, la Sierra Nevada de Santa Marta à l’Ouest et le Venezuela au Sud. Notre première immersion à la Guajira se fait dans le petit village de Camarones, au bord de la mer des Caraïbes. Un restaurant de plage accepte de nous héberger pour la nuit moyennant 20 000 COP (5 €). On a pour voisin le gardien, qui passe la nuit dans un hamac.



Mardi 22 août
Au matin, après une nuit mouvementée car Rémi a été malade, on part se promener à pied dans le village. C’est là qu’on rencontre pour la première fois la communauté Wayuu.

Cette communauté indigène du bout du monde a su résister à l’influence des Conquistadors pour conserver ses traditions et son mode de vie. Lors de la colonisation de la Colombie par les espagnols, les Wayuu se sont réfugiés sur la péninsule de la Guajira, où ils vivent aujourd’hui dans un environnement sec et hostile. Maintenant, ils représentent environ 42 % de la population de la péninsule. C’est le peuple indigène le plus important de Colombie. Dans cette région inhospitalière, ils ont développé un système communautaire unique qui est inscrit depuis 2010 au patrimoine immatériel de l’Humanité de l’UNESCO.



La communauté Wayuu est une société matriarcale qui se bat pour conserver ses traditions. Elle fait face à de nombreux enjeux qui menacent son existence : l’eau, qui est une richesse rare à la Guajira et la sécheresse toujours plus forte. Par ailleurs, le lancement par le gouvernement de chantiers miniers a réduit leur terrain agricole. Ils sont ainsi forcés de migrer en ville, ce qui entraîne également le déclin de cette communauté. La plupart de la communauté vit dans une extrême pauvreté, dans des villages oubliés de tous et des maisons faites de terre, de bois de cactus et de tôle.




Après une rapide traversée de Riohacha, la capitale chaotique de la Guajira, on s’élance sur une route rectiligne. Le trafic y est dense : camions, voitures, 4×4 privatisés par des agences, scooters et motos, vélos, piétons, bétail. Les paysages secs et arides s’enchaînent, les bords de route sont jonchés de déchets. Chaque arbuste semble avoir un sac en plastique accroché à ses branches ! Le goudron finit par disparaître et c’est sur une piste poussiéreuse qu’on continue le trajet.

On longe la voie ferrée qui court depuis le Nord de la péninsule pour amener le sel et les minerais. De nombreux enfants marchent sur les bas-côtés. Certains sont à vélo. À notre passage, tous tendent la main dans notre direction, semblant quémander quelque chose.



Tout à coup, des branchages en travers de la route nous contraignent à nous arrêter. Sept ou huit enfants jaillissent devant nous, mains tendues. Ils s’agrippent à la fenêtre, montent sur le Jeep, tapent contre la vitre en réclamant de l’argent, des bonbons, à manger, à boire. Ils scannent l’arrière du Jeep à la recherche de trésors. Et des trésors, on en a ! Notamment un paquet de chips qu’on n’avait pas eu le réflexe de dissimuler. Heureusement, on avait prévu le coup, car les barrages routiers sont très communs à la Guajira. On distribue des jus de fruit déshydratés. Mais on doit encore gentiment batailler quelques minutes avant qu’ils consentent à ouvrir la voie. Après cette première expérience de barrage, on reste sur nos gardes, surtout au moment de quitter la route principale pour s’engager dans le désert.

Les pistes forment un labyrinthe au sol et il est dur de savoir laquelle suivre ! On roule ainsi au milieu de nulle part pendant de longues minutes, suivant un peu au hasard la direction du village de Cabo de la Vela. On tombe encore sur quelques barrages routiers mais on arrive à s’en dépatouiller sans rien donner. Parfois même, une corde barre la route mais il n’y a personne. Je descends alors du Jeep pour ouvrir le passage.

Cabo de la Vela est un petit village niché dans une baie aux eaux turquoise de la mer des Caraïbes. C’est un village particulier pour les Wayuu. La légende raconte en effet que c’est ici que les âmes des défunts embarquent à bord d’un voilier pour rejoindre l’au-delà. Ici, pas de bitume, pas d’infrastructures touristiques, pas d’immeubles. Le village est simplement composé d’habitations en terre, de restaurants et d’écoles de kitesurf qui attirent quelques touristes. On s’installe dans l’une d’elles pour la nuit, derrière les cabanas pour s’abriter du vent.




La fin d’après-midi est douce et balayée par les vents. Dans la soirée, c’est l’heure de remonter les filets. Tous les hommes s’y mettent pour tirer le filet hors de l’eau jusqu’à la plage. Puis c’est l’heure de la répartition du butin : chacun obtient équitablement sa part.




Mercredi 23 août
Les alentours de Cabo de la Vela sont à couper le souffle. On se demande même pourquoi ce n’est pas ici la plus belle plage de Colombie plutôt qu’à Palomino 🤔… Le désert brûlant se jette dans la mer des Caraïbes qui arbore ici un bleu exceptionnel. On avait notamment entendu parler de la misère des habitants de la péninsule, des enfants qui mendient sur la route, de la canicule qui sévie et du manque d’eau qui menace. Mais on n’était pas prêts à se retrouver face à de tels paysages.







Il fait un beau 41°C tandis qu’on roule sur des pistes poussiéreuses. Ici, pas de panneaux indicatifs, pas de pancartes. Les routes serpentent dans le désert sans aucun balisage. Alors mieux vaut avoir un point de repère !






Afin de prendre un peu de hauteur, on gravit le Pilon de Azucar, pour une vue à 360° sur les alentours. Une petite marche de 10 minutes nous emmène ainsi tout en haut de ce petit pic. De là-haut, le contraste entre la couleur orangé du désert et le bleu profond de la mer est juste magnifique.







Retour au village pour la pause déjeuner. Ici aussi, des enfants arpentent la rue en proposant des bracelets à vendre. Des femmes assises par terre tissent les mochilas, les sacs emblématiques de la culture Wayuu qui ont une véritable importance dans leur tradition et leurs croyances. Un camion-citerne ravitaille la station de police en eau. Dans notre recherche d’un restaurant, on se fait aborder par une jeune femme. Son restaurant est fermé, mais elle nous emmène immédiatement chez sa tía, où on déguste un très bon poisson fraîchement pêché 😄






Nous avons décidé de ne pas aller jusqu’au bout de la péninsule. Selon des voyageurs y étant allés il y a peu, près de 200 barrages barrent la route sur l’aller-retour ! Il faut ainsi beaucoup de patience, de négociations et de détermination pour aller jusqu’au bout de la route et faire face à ces dizaines d’enfants et de familles barrant la route. On renonce donc à atteindre Punta Gallinas, le point le plus au Nord de l’Amérique du Sud. Mais à Cabo de la Vela, nous sommes déjà revenus au niveau du Nicaragua ! 😮 La route du retour nous conforte dans notre choix. Des dizaines d’enfants surgissent de nulle part à notre passage. Ils tirent en travers de la route une ficelle faite de déchets plastique noués ensemble et tendent la main.


On ne s’arrête pas et ils finissent par lâcher la corde. Certains courent après le Jeep en rigolant, comme si c’était un grand jeu. Nous sommes bouleversés et tristes à la vue de ces enfants, seuls au milieu de nulle part, couverts de poussière, parfois très maigres, voire malades. Quelle attitude adopter ? Des panneaux indiquent qu’il ne faut en aucun cas encourager la mendicité des enfants en donnant, même de la nourriture. Cela les encourage à rester sur le bord de la route, au détriment de l’école et les rend dépendants du tourisme, qui est loin d’être démocratisé dans la région. Mais d’un autre côté, comment ne pas donner quand on voit dans quelle misère ils vivent ? Bref, c’est un cas de conscience qui nous a beaucoup tourmentés pendant ces quelques jours sur la péninsule de la Guajira.


La piste est longue et labyrinthique. Il n’y a pas vraiment de piste à proprement parler. Juste des traces qui courent sur de vastes plaines désertiques. Heureusement, on se trouve un pick-up qui semble bien connaître le chemin et on le suit jusqu’à la route. On s’arrête en fin d’après-midi dans un petit village au bord de l’océan et on passe notre dernière nuit sur la péninsule de la Guajira dans une école de kite surf, encore.



Jeudi 24 août
On fait un grand détour de 45 kilomètres pour se rendre à Manaure. Cette ville au bord de l’eau produit 65 % du sel de la Colombie. Malheureusement, quand on y arrive, les salins sont à sec et le jeu des couleurs n’est pas au rendez-vous. Tant pis !

On quitte la péninsule de la Guajira avec un sentiment mêlé. Les paysages de désert et de mer sont vraiment magnifiques. Mais on restera probablement longtemps hantés par la vue de tous ces enfants courant après le Jeep sur la route. La péninsule de la Guajira restera indéniablement un des moments les plus marquants et les plus bouleversants de notre voyage.
3 commentaires
C’est effectivement bouleversant et affreux d’assister à ce spectacle de mendicité qui nous met face à un choix cornélien…. Dommage que ces paysages fabuleux soient entachés par cette extrême pauvreté…
Bisous.
Je te confirme que je suis époustouflée par les paysages. Les couleurs sont sublimes et on rêve d’aller se baigner dans cette eaux turquoises 😁 en revanche la pauvreté semble bien présente et ces pauvres enfants font peine a voir … incroyable qu’au 21eme siècle ça puisse exister !
Oui c’est triste ces enfants mendiant sur la route. Dur de savoir quelle attitude adopter :/ Mais la Guajira est une belle région ! Bisous à tous les… 4 😀