Quand on s’apprête à parcourir plus de 800 kms de piste pour rejoindre l’océan arctique, autant dire que ça sent l’aventure à plein nez ! Route du bout du monde, la Dempster Highway relie Dawson City à Inuvik sur 734 kms. Elle traverse deux provinces canadiennes, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest et passe par le cercle polaire ! Au-delà de la ville d’Inuvik, une nouvelle route construite en 2017 permet maintenant de parcourir 140 kilomètres supplémentaires pour atteindre l’océan arctique. L’océan arctique ! Tout est dit. Alors, prêt pour un roadtrip sur la Dempster Highway en Jeep ?
Samedi 09 juillet 2022
Route mythique de tous les voyageurs, la Dempster est autant admirée que redoutée. Depuis que nous avons entrepris notre traversée du Canada, nous avons entendu beaucoup de choses sur cette route. La première étant que nous serons livrés à nous-mêmes. Sur la Dempster, pas de services mobiles. Pas de services de dépannage, ni de services d’urgence. Très peu de stations-services. Des camions qui roulent à toute allure. Des conditions poussiéreuses extrêmes qui entraînent une très mauvaise visibilité. Un chemin accidenté où tout peut arriver. Les récits de mésaventures de voyageurs hantent nos esprits. Aussi, lorsque nous quittons le bitume pour nous engager sur plus de 800 kilomètres de piste, l’ambiance est à l’excitation, mais aussi à la prudence. JP, on compte sur toi pour ne pas nous laisser tomber ! 🤘
Les premiers kilomètres se font dans la fébrilité. Quand un camion arrive en face, nous nous tassons sur le côté. Lorsqu’une voiture arrive en face, nous ralentissons. S’il n’y a personne, nous roulons au milieu. Les bords de la Dempster sont connus pour être abrupts, pas question de terminer dans le fossé. Nous roulons phares et antibrouillards allumés. Nous avons dégonflé les pneus, car rappelons que l’été dernier, un gravier de quelques centimètres a terrassé notre Jeep sur un chemin bien moins pire que celui-ci. Peu à peu, les kilomètres défilent. On se détend et on apprend à admirer le paysage.
Après 80 kilomètres, nous nous arrêtons en bord de route pour notre première nuit sur la Dempster. Comme prévu, les moustiques sont au rendez-vous, mais la situation reste gérable. Nous sortons la tente et dormons en bord de rivière, bercés par le bruit de l’eau.
Dimanche 10 juillet
Le Jeep file sur le chemin dans un nuage de poussière. Il n’y a personne si ce n’est quelques voitures de temps en temps, quelques cyclistes (des courageux !) et un caribou au détour d’un virage. L’immensité et la beauté des paysages qui défilent au fil des kilomètres nous laissent bouche-bée.
En fin d’après-midi, et après environ 300 kilomètres, nous faisons un arrêt à Eagle Plains pour faire le plein. Outre la station-service, il y a ici un camping et un motel. Celui-ci date de la construction de la route, soit de 1978 et depuis, rien n’a changé, certainement pas la moquette au sol. Pourtant, le prix de la chambre est à 225 $, avec un supplément pour… la deuxième personne ! Insane. Le prix de la douche ? 10 $ par personne ! Merci, mais non merci. Nous roulons quelques kilomètres supplémentaires pour nous trouver une chambre avec vue, en bord de rivière. Apparemment, une meute de loups a également élu domicile dans le coin. Nous prenons une douche bien chaude en pleine nature, un vrai régal !
À minuit, malgré la fatigue et la présence de milliers de moustiques, nous osons mettre le nez dehors pour admirer le soleil de minuit. Un moment tout simplement magique et rempli d’émotions… le premier d’une longue série sur cette route.
Lundi 11 juillet
Aujourd’hui est un grand jour : après presque deux mois de voyage depuis Montréal et plus de 400 kms sur la Dempster, nous prenons notre petit-déjeuner sur le cercle arctique ! C’est irréel. PS : il fait 19 °C ce jour-là sur le cercle polaire. Pas si pire ! Nous retrouvons Juliette et Simon, des québécois rencontrés hier à Eagle Plains, que nous allons croiser à plusieurs reprises sur la route ! Cheers les amis !
Quelques kilomètres plus tard, et c’est une nouvelle étape que nous franchissons sur la route : nous quittons le Yukon et entrons dans une nouvelle province canadienne : les Territoires du Nord-Ouest. Une province sauvage où peu de voyageurs s’aventurent.
Dans cette province reculée du Canada, la toundra règne en maître : un paysage désertique et inhospitalier balayé par des vents glaciaux. On a peine à imaginer ce que cela doit être en plein hiver ! Ce n’est pas le moment de tomber en panne ! La route serpente à travers cette immensité sans limite. Nous scrutons l’horizon qui s’étend à perte de vue dans l’espoir d’apercevoir un grizzli, un orignal, un caribou, une forme de vie. En vain.
Après plusieurs heures de route, nous faisons un arrêt à Fort McPherson pour pique-niquer et faire le plein : sur la Demspter, il ne faut jamais rater une occasion de faire le plein ! Cette petite bourgade de 900 âmes compte quelques maisons, une épicerie et une station-service. Avec ses vieux bâtiments et sa route de poussière, il n’a rien de très accueillant. Qu’est-ce que ça doit être en hiver ! Deux courts ferrys gratuits et à la demande nous permettent de traverser la rivière Mackenzie et la rivière Peel.
Puis c’est reparti pour de longues heures de route. Une ligne droite interminable de 150 kms sans charme nous emmène jusqu’à Inuvik où, surprise, la route est goudronnée ! Quel plaisir de rouler sur du bitume plat et lisse. C’est comme retirer ses chaussures de ski après une journée sur les pistes 😂 Inuvik, c’est la plus grande agglomération canadienne au-dessus du cercle polaire. La température annuelle moyenne y est de -8 °C ! 😲 Il y a 3 500 habitants, une église, une banque, une épicerie et même un complexe aquatique, dans lequel nous prenons une douche presque tiède. Au moins, nous sommes dépoussiérés !
Nous tombons à Inuvik pendant le Great Northern Arts Festival, le plus long festival polaire au monde (dix jours). Nous en profitons pour assister aux animations du soir : un spectacle sur les sports arctiques des autochtones… Ah ben non, finalement, il n’a pas lieu, car la personne qui devait animer le spectacle ne s’est pas présentée 😅
Bon. Il est 21 heures. On va se coucher ? Non ! Sur un coup de tête, nous décidons de prendre la route de Tuktoyaktuk. Pourquoi pas, après tout ? Le jour ici ne se couche jamais, on ne risque pas de conduire de nuit ! C’est parti pour plus de 2 heures de piste. La route est plutôt mauvaise et un épais brouillard vient jouer les troubles-fêtes.
Nous arrivons à Tuktoyaktuk (prononcer Tuk-tu-yaaq-tuuq), de son petit nom Tuk, à minuit. Malgré l’heure tardive, le village est plein d’animation : un match de base-ball bat son plein et des enfants font du vélo dans la rue. Tout le monde profite au maximum des longues journées d’été. Ici, on est loin du petit village pittoresque de pêcheurs. Tout est brut, authentique, sans faux semblant. Ce hameau Inuivialuit (Inuit) compte 900 habitants. En langue inuvialuite, Tuktoyaktuk signifie « qui ressemble à un caribou ». Tuk n’accueille les voyageurs que depuis 2017, quand la dernière portion de la route a été construite. Vu le périple que c’est d’y arriver, autant dire que les voyageurs à venir jusqu’ici sont encore très rares. Avant la construction de la route, Tuk n’était accessible en voiture qu’en hiver grâce à la route de glace. Pour l’instant, le hameau vit principalement de la pêche (notamment le beluga), de la chasse et de la trappe. Nous apprenons à l’office de tourisme, un bungalow temporaire en attendant qu’un vrai bâtiment soit construit, que le groupe de musique Metallica est venu donner un concert ici il y a quelques années ! La classe.
Il faisait 37 °C il y a quelques jours. Nous arrivons trop tard : aujourd’hui, un épais brouillard est tombé sur le village et il fait un froid de canard ! On se pose dans le village et on passe une nuit calme face à l’océan arctique.
Mardi 12 juillet
Nous nous réveillons de bonne heure face à l’océan arctique. Whaou ! Rien que ça, ça file les frissons. Et pas à cause de la météo ! Enfin si, un peu quand même. Pas de miracle ce matin : le brouillard est toujours là. Il fait très froid. Le vent souffle fort. Mais c’est tout de même avec un bonheur sans limite que nous posons devant le fameux panneau pour immortaliser cet instant magique. Nous sommes face à l’océan arctique et nous y sommes venus en voiture ! 😎✌️ Nous avons fait la Dempster Highway en Jeep et nous sommes partis de Montréal !
Nous bravons le froid et le vent glacial pour nous promener dans le hameau, dont le principal attrait est la goélette Our Lady of Lourdes. Pendant plus de 20 ans (dans les années 30 et 40), elle a servi de navire de livraison pour les missions catholiques entre Tuk et la province voisine du Nunavut. On nous a également conseillé de déjeuner chez Grandma’s kitchen (le seul restaurant) afin de goûter à la cuisine locale. Cependant, on se retrouve devant des hot dogs, pizzas et burgers au prix exorbitant. Le seul met local : le beluga. Cela nous fait trop mal au cœur de manger de la baleine, nous passons notre tour et préférons nous promener dans les ruelles pour nous imprégner de l’ambiance si authentique.
Impossible de repartir de Tuk sans avoir trempé la main dans l’océan arctique. On aurait bien aimé s’y baigner, mais vu le temps aujourd’hui, c’est l’hypothermie assurée !
Nous quittons Tuk dans l’après-midi pour retourner à Inuvik, en espérant y trouver un peu de chaleur et moins de vent. Mais avant, un plein du Jeep s’impose, histoire de ne pas tomber en rade au milieu de nulle part ! Comme l’essence est hors de prix, nous vidons l’un de nos réservoirs.
C’est raté pour la chaleur, il fait tout aussi froid à Inuvik. D’ailleurs, le concert du soir, dans le cadre du festival, a été déplacé à l’intérieur, dans le stade de hockey. Nous assistons au concert d’un groupe local : les Beluga Boys.
Mercredi 13 juillet
Maintenant que nous avons atteint le bout du monde… il faut en revenir ! Une longue journée de route nous attend pour le trajet retour sur la Dempster Highway en Jeep. Brouillard, pluie, soleil, poussière, animaux, immensité sans limite et paysages époustouflants : nous enchaînons plus de 500 kms dans la journée, un bel exploit quand on sait que nous roulons en moyenne à 80 km/h. En fin de journée, un nuage noir se dresse à l’horizon. On sent qu’on va prendre une saucée ! Pire que ça : une véritable tempête de grêle s’abat sur nous ! Heureusement, en 5 minutes, c’est passé.
Pour notre dernière nuit sur la Dempster, nous bivouaquons dans un lit de rivière. Il fait frais et cette fraîcheur apporte un gros avantage : pas de moustiques (ou presque) !
Jeudi 14 juillet
Derniers kilomètres sur la Dempster Highway. Nous faisons une petite randonnée au parc de Tombstone pour nous dégourdir les jambes après ces quelques jours de route.
Fin d’une aventure ! Le chemin poussiéreux laisse soudain sa place à une route asphaltée. Wow ! Retour à la civilisation. On se croirait revenir d’un autre monde. Que d’émotions de savoir que ce périple, que nous attendions depuis si longtemps, se termine. Nous l’avons fait ! Nous avons parcouru la Dempster Highway en Jeep Wrangler dans son intégralité et avons mis le doigt dans l’océan arctique. Que du bonheur ! Nous sommes fiers, immensément heureux, et JP a besoin d’un bon bain ! 😆
Mission accomplie au Canada. Il est temps de passer à la suite de notre voyage, qui s’annonce tout aussi belle. Et elle se résume en un mot : Alaska.
1 commentaire
Fantastique ce périple au Bout du Monde !! Dommage pour ce temps froid avec du brouillard. J’aurais bien aimé une photo en maillot dans l’Océan Arctique !!!
Bisous
Maman