Trois jours avant Noël, à 6 h 09 du matin, nous avons battu (de loin) notre record d’altitude en atteignant le sommet du Huayna Potosi, à 6 088 mètres d’altitude. Trois jours en haute montagne, deux nuits en refuge, une formation à l’escalade sur glace et à la marche sur glacier et une ascension finale éreintante : on te raconte notre folle ascension du Potosi et notre incroyable aventure pour atteindre le sommet.
Mercredi 20 décembre 2023
Cela fait plusieurs mois que nous avons l’ascension du Potosi en ligne de mire. Nous l’attendions tout en la redoutant. La faire ? Ne pas la faire ? En est-on capable ? Va-t-on souffrir du MAM, le dangereux mal des montagnes ? La météo sera-t-elle clémente ? L’ascension finale sera-t-elle à notre portée ? Allons-nous échouer ? Milles questions et milles angoisses tournent dans nos têtes. Le Potosi est réputé pour être un sommet « accessible », même sans expérience de l’andinisme, car il n’y a aucune difficulté technique pour atteindre le sommet. En théorie donc, une bonne condition physique et une excellente acclimatation sont les clés pour réussir l’ascension du Potosi. Et après 20 mois de voyage dont 5 mois en altitude, nous avons les deux !
Néanmoins, l’ascension finale est réputée pour être difficile. Nous allons être confrontés à la haute altitude et ce n’est pas un facteur à prendre à la légère. Face à l’altitude, la bonne condition physique ou l’acclimatation peuvent ne pas suffire. On en est conscients et c’est ce qui nous inquiète. Heureusement, nous serons bien encadrés. Pour notre ascension du Potosi, nous avons choisi l’agence Jiwaki, plébiscitée par des amis voyageurs qui ont fait l’ascension avant nous. Parole de guide : le Huayna Potosi est un des « plus de 6 000 mètres » les moins chers au monde ! Pour ces trois jours d’ascension, nous avons payé l’équivalent de 132 € par personne, équipements compris.
À 8 heures du matin, après une nuit de sommeil agitée à La Paz, nous avons rendez-vous dans les locaux de l’agence Jiwaki pour faire des essayages : sous-pantalon thermique, pantalon imperméable, polaire, veste imperméable, tour de cou en polaire, crampons et chaussures de glacier. On nous fournit ainsi le parfait équipement du petit andiniste en herbe. Après 1 heure, nous partons en minibus en direction du parc.
Nous sommes un groupe de 11 aventuriers à tenter notre chance sur le Potosi : nos amis Diamond et Sebastian, les français Benjamin, Paul et Nathalie, les anglais Sophie et Jack, l’hollandais Mike et l’italien Vince. On profite du trajet pour faire connaissance. Les guides sont là aussi : le « guide en chef », William est secondé par 5 guides. Le Potosi est de sortie ce matin, alors on profite d’un arrêt pour faire quelques photos devant notre objectif de ces prochains jours ! Si tout va bien, dans 24 heures, nous serons tout là-haut ! Quel stress ! 😟
Après deux heures de route, nous atteignons le parc naturel du Huayna Potosi. Il est géré par les communautés locales, alors on s’acquitte des droits d’entrée : 50 bolivianos par personne (6,50 €). Petit luxe de notre ascension du Potosi : on atteint le premier refuge, à 4 500 mètres, directement en voiture ! Et il est « tout confort ». Certes, les toilettes sont dehors avec chasse d’eau manuelle, mais l’intérieur se compose d’une vaste pièce pour entreposer les équipements, d’une salle à manger petite mais conviviale et de deux dortoirs, un pour les guides, un pour le groupe. Avec 12 lits superposés presque collés les uns aux autres, on va se tenir chaud cette nuit 😅 Après le repas, c’est l’heure de la distribution des équipements d’escalade : casque, harnais, guêtres, moufles, pic à glace et crampons. Ainsi équipés, on pourrait passer pour de vrais andinistes !
Il faut aussi enfiler les chaussures de glacier. Et là, on déchante vite. Ce sont de grosses bottes en plastique rigide, de style chaussures de ski. Elles ne sont pas du tout confortables ! Pourtant, il va falloir les endurer pendant toute l’ascension vers le sommet ! Heureusement, on a le temps de se familiariser avec tout notre matos (et surtout les chaussures) pendant les 45 minutes de marche jusqu’au glacier. Or, c’est un calvaire de marcher avec des chaussures de ski sur de la roche dure et roulante. On avance donc prudemment histoire de pas -déjà- se tordre une cheville.
En bas du glacier, il faut enfiler les crampons par dessus les chaussures. Et miracle ! Sur la glace, la magie opère. Les chaussures restent inconfortables, mais marcher devient plus facile. Les crampons adhèrent naturellement à la glace. Si les premiers pas sont un peu laborieux et pas très assurés, on prend vite confiance sous les conseils avisés de William. Pendant de longues minutes, celui-ci nous briefe sur les techniques de base de la marche sur glacier. Monter une pente raide. Descendre une pente raide. Avancer. « Stationner ». Utiliser le pic à glace. C’est tout un art !
Place ensuite à la pratique ! Pendant 2 heures, on doit escalader des pentes de plus en plus raides. Le secret est de planter d’abord le pic à glace, puis le bout des crampons. Et ensuite seulement de se hisser. Pic à glace. Crampons. Se hisser. Et on recommence jusqu’en haut. L’effort, couplé à l’altitude, est intense. Nous sommes tous à bout de souffle. Et gare à celui qui plante mal ses crampons ! Jack l’anglais perd soudain toute adhérence et glisse jusqu’en bas de la pente. Ça nous refroidit dans nos ardeurs ! Surtout, ne pas trop prendre la confiance. Être sûr de bien adhérer avant de se hisser. La descente est plus simple mais plus impressionnante. On a l’impression qu’à chaque pas, on va dévaler la pente. Mais non, les crampons font bien leur job !
On s’exerce aussi à la marche sur glacier en cordée. Ça aussi, c’est moins simple qu’il n’y paraît ! La corde doit toujours rester tendue et se trouver du côté de la vallée. Il faut donc l’enjamber dès que l’on change de cap. Pas facile avec tout notre attirail !
William nous emmène ensuite face à un mur de glace de plusieurs mètres de haut. Les deux premiers guides s’élancent sans être assurés. En quelques mouvements habiles, ils atteignent le haut du mur de glace. « À vous, maintenant ! », nous dit William. On le regarde, très inquiets. Heureusement, les guides, en montant, ont assuré le parcours. On peut donc monter en toute sécurité et descendre en rappel. Mais quand même, ça semble sacrément difficile et quelque chose nous tracasse : « On doit faire ça, demain ? », demande-t-on, très inquiets. Et William de nous répondre : « Nah, that’s just for fun ! ». Ouf, nous voilà rassurés ! 😌
Escalader un mur de glace : de base, l’effort est intense. Mais à 5 000 mètres d’altitude, il devient monstrueux. Chacun notre tour, on s’essaie à l’escalade sur glace. Et on n’a pas l’habileté des guides ! On plante le bout des crampons de toutes nos forces dans la glace, mais ils ont du mal à adhérer. Alors on glisse et on n’est plus retenus que par les pics à glace. Cela demande alors un effort immense dans les bras pour se remettre d’aplomb. On parvient tant bien que mal à se hisser en haut du mur de glace, certains plus facilement que d’autres. Une fois là-haut, on se laisse tomber en arrière et les guides nous descendent en rappel. Terrassés par l’effort, on arrive en bas les bras tremblants, les doigts tétanisés et la gorge sèche et douloureuse.
C’est épuisés par l’effort et l’altitude que l’on retourne au refuge, les pieds trainants. Là, on expérience le bonheur furtif de celui qui enlève ses chaussures de ski après une longue journée sur les pistes 😆. On s’affale sur le lit. Qui a mal à la tête, qui a mal au ventre, qui a la tête qui tourne ou des nausées. Rémi et moi, on se sent bien. Fatigués par l’après-midi sur le glacier et l’altitude, mais sans aucun signe avant-coureur du mal des montagnes. C’est bon signe ! 😀 Le souper est servi à 19 heures. Pour atténuer les effets de l’altitude sur nos corps, on boit quantité astronomique de thé. William ne cesse de le marteler : l’hydratation, c’est la clé ! Le problème avec l’hydratation ? Il faut ensuite aller pisser ! La nuit n’est donc qu’un ballet incessant d’allers-retours aux toilettes. Qui, je le répète, sont dehors ! 🥶
Jeudi 21 décembre
Au réveil, nous constatons un petit miracle : nous avons dormi à 11 dans le dortoir et il n’y avait pas un seul ronfleur ! 😲 Néanmoins, beaucoup n’ont peu, voire pas du tout, dormi. Les effets de l’altitude se sont fait ressentir, avec en tête de ligne : l’insomnie. Pour ma part, j’ai très bien dormi. C’est même Rémi qui me secoue pour me réveiller à l’heure du petit-déjeuner 😅 Même pas de maux de tête pour nous deux 💪. Tout le monde est assez groggys par cette nuit agitée. Benjamin, un des français du groupe, est d’ailleurs contraint d’abandonner. Il se sent très mal et a passé la nuit à vomir. Il doit donc redescendre au plus vite. Et il n’en resta plus que dix 🤣
Le petit-déjeuner de pancakes est copieux et agrémenté de quantité de thé de feuilles de coca. Et après le petit-déjeuner, c’est l’heure… de la sieste ! Il faut emmagasiner des forces au maximum ! À 11 heures, on fait les sacs, car nous montons au high camp directement après le repas. Et faire les sacs, c’est un défi de taille ! En effet, tout notre équipement doit rentrer dans nos backpacks. Et William est formel : il pleut, alors tout doit être à l’intérieur. Commence alors un vrai casse-tête : comment faire entrer nos affaires, les vêtements techniques encombrants, les crampons, le casque, les sacs de couchage et les chaussures de glacier dans un sac de 45 litres ? 🤔
On essaye toutes les combinaisons possibles, sans succès. William vient à notre secours. En deux trois mouvements, chaque équipement trouve sa place et en forçant un peu, il arrive à fermer nos sacs à dos. Quel exploit ! Mais le résultat, c’est que nos sacs à dos pèsent maintenant une tonne ! Aussi, Rémi doit m’aider pour me mettre le sac à dos sur le dos ! Aouch 🥵. On n’a jamais porté de sac si lourd. La montée jusqu’au high camp s’annonce ardue.
Heureusement, ce ne sont « que » 3 heures de marche et 400 mètres de dénivelé. On avance lentement derrière William, chacun ployant sous le poids de son sac. Ça monte raide, le souffle est court, les jambes sont lourdes. Chaque pas est un combat. Pendant les pauses, pas question de déposer le sac à dos ! On serre les dents et on continue coûte que coûte avec pour seule consolation, l’idée que l’on montera au sommet sans tout notre barda. On atteint le deuxième refuge après un peu moins de trois heures de marche. Le sac à dos semble s’être greffé à mon corps pendant la montée. Rémi doit m’aider pour le déposer au sol.
Le high camp de l’agence se trouve à 5 200 mètres d’altitude. Ici aussi, il y a un grand dortoir avec plusieurs lits superposés et une longue table pour partager les repas. Le seul hic : ici aussi, les toilettes sont à l’extérieur. Il faut sortir et contourner le refuge pour atteindre les toilettes, perchées face au sentier menant au sommet du Potosi. Ainsi, chaque pipi (et avec tout le thé que l’on boit, il y en a beaucoup !) est une véritable expédition.
15 h 30 : c’est l’heure du thé. On reprend des forces devant des crackers, du caramel, du sucre et encore beaucoup de thés. Petit-déj à 8 h 30, repas à 11 h 30, goûter à 15 h 30 : on n’a pas le temps d’avoir faim ! Une blague d’autant plus vraie que William nous annonce dans la foulée que le souper sera servi à 17 h 30 ! Tout le monde arrête immédiatement de se goinfrer de crackers ! En attendant le repas, on fait la sieste. Je somnole sur le lit du haut, sous la grande baie-vitrée, quand une lueur inattendue me réveille et… me réchauffe ! Le soleil ! ☀️ Vite, tout le monde sort pour admirer le paysage. On voit enfin le ciel bleu, la vallée et surtout les cimes enneigées au-dessus de nous. Whaou, quel beau spectacle !
Le souper est un moment à la fois joyeux et convivial mais aussi plein de tension, d’appréhension et d’anticipation. On est à la fois excités et inquiets. Au moment du briefing, tout le monde se tait pour écouter le discours de Will. Il nous annonce que le réveil sonnera demain ce soir à 23 heures. Nous partirons ensuite à minuit. Pour atteindre le sommet, nous avons seulement 2,9 kilomètres à parcourir, mais 800 mètres de dénivelé positif à gravir. Will annonce également les équipes : un guide pour deux personnes. Rémi et moi monterons donc avec David. On a ensuite droit à quelques recommandations de dernière minute et encouragements. On sent David motivé à nous emmener au sommet, mais surtout qu’il saura prendre la difficile décision de renoncer s’il nous trouve en difficulté ou si on prend trop de retard.
À 19 heures, après de longs débats, nos affaires sont prêtes. Ça aussi, c’est un vrai casse-tête. Il faut emporter tout le nécessaire sans se charger inutilement. Avoir suffisamment d’eau, mais pas trop. Il faut être au chaud, mais ne pas avoir chaud. Mais il ne faut pas avoir froid non plus ! La pièce est baignée de soleil quand on se met au lit. Et évidemment, la blague qui tourne en boucle dans le refuge : « See you tomorrow… I mean, see you later ! » 😅
Vendredi 22 décembre
23 heures. On se réveille sans vraiment se réveiller. Entre l’altitude et l’appréhension, difficile de mettre le cerveau en veille pour s’endormir. Sans parler des aller-retour aux toilettes ! Quoiqu’il en soit, on ne s’est jamais levés aussi « tôt » ! Personne ne parle tandis que l’on enfile nos multiples couches de vêtements. On est très stressés, mais il n’est plus question de reculer. On enfile deux paires de chaussettes. Un leggings, le pantalon en polaire de l’agence, le pantalon imperméable. Un sous-vêtement technique à manches longues. Une veste en polaire. L’anorak imperméable de l’agence. Tour de cou. Cagoule. Sous-gants. Moufles. Le vent hurle à l’extérieur, mais lorsque l’on sort enfin sous le ciel étoilé, on s’aperçoit avec soulagement que ce n’est finalement pas si pire. De plus, la nuit est claire et le ciel parfaitement dégagé. Quel soulagement !
Puis, à minuit, chaque groupe emboîte le pas de son guide dans l’obscurité la plus totale. Quel stress ! Dans quoi s’est-on embarqués ? Mais à mesure que l’on marche, le stress disparaît pour laisser place à une froide détermination. La météo est parfaite, on n’a pas froid, on est en forme. Ça va le faire ! 🤞 Après une heure de marche laborieuse sur la roche avec nos chaussures de glacier, on chausse les crampons. Puis on s’encorde : David devant, moi au milieu, Rémi à l’arrière. Le glacier s’étend devant nous. C’est parti.
Nous n’avons pas pris de photos de l’ascension du Potosi de nuit. Déjà, parce que sortir l’appareil photo ou le téléphone était un vrai manège et qu’au bout de quelques heures de marche, on n’en a plus eu la force. Ensuite, parce qu’il faisait nuit noire, et que ça ne servait de toute façon pas à grand chose.
Nous marchons sur la neige, dans la nuit, encordés, pendant 6 heures. Je suis David, 5 mètres devant, qui ouvre la voie. Il avance d’un pas lent et régulier, sans jamais faiblir… mais sans s’arrêter non plus ! Au début, on tient le rythme. Mais au bout d’un moment, ça devient difficile. J’ai besoin de m’arrêter plus régulièrement. Mais quand je m’arrête, la corde se tend, me déséquilibre et m’oblige à repartir d’un pas chancelant. Au bout de 3 heures de marche, je suis épuisée. Je ne suis pas à bout de souffle, ni même essoufflée ou malade. Je n’ai juste plus de force.
Lors de la pause, on est avachis par terre dans la neige. David me demande comment je me sens et me dit qu’il faut que je garde des forces pour la descente. Il me demande si je veux arrêter. La réponse est claire : pas question. Rémi aussi pensait que c’était la fin (moi aussi à un certain moment 😆), mais je ne renonce pas. On n’est quand même pas arrivés jusqu’ici pour faire demi-tour maintenant !
Il reste 2 à 3 heures de marche, nous annonce David. On peine à se relever. On n’a pas soif et encore moins faim. L’effort nous noue le ventre. Je demande à David l’autorisation de sortir les bâtons de randonnée. Depuis le début de l’ascension, on tient tous les deux le pic à glace, qui n’a pas vraiment d’utilité. Il hésite mais finit par accepter. Fini le pic à glace qui n’apporte aucun soutien. Place aux bâtons de randonnée ! Ils m’apportent un second souffle. En plus, je remarque que David, dans les montées raides, utilise la technique dite du « crabe », c’est-à-dire qu’il avance sur le côté en croisant les jambes au lieu d’y aller de front. Je l’imite et miracle ! C’est bien plus facile ! Je passe le tuyau à Rémi, qui s’y met aussi. On trouve notre rythme…
…Jusqu’au mur de glace. 10 minutes de souffrance. Nous escaladons la glace, couchés face à la pente, en plantant le pic à glace et les crampons à tour de rôle, comme on l’a appris la veille. Une mauvaise prise et c’est la dégringolade jusqu’en bas. À 5 600 mètres d’altitude, l’effort est indescriptible. Le cardio, qui était sous contrôle jusqu’à présent, s’emballe. Les muscles tétanisent. Mais impossible de faire une pause sous peine de glisser. Il faut continuer coûte que coûte. Une fois en haut, on a besoin de 5 minutes pour récupérer, mais on reprend vite la marche sous peine de geler sur place.
Le paysage est impressionnant. On ne s’y attarde pas trop, pour ne pas rester paralysés face au gouffre qui semble s’ouvrir devant nous. L’obscurité est probablement trompeuse, mais on semble mettre les pieds à quelques centimètres d’un vide immense. Et quand il n’y a pas de vide, il y a une pente si raide que l’on pourrait la dévaler jusqu’en bas sans espoir de s’arrêter. Et puis, il y a les crevasses dont on ne voit pas le fond. On les enjambe rapidement, mais le pied bien assuré. Les étoiles brillent toujours au-dessus de nos têtes. C’est rassurant. Ça rend l’ascension de nuit moins oppressante.
Nouvelle pause. Les premiers du groupe sont déjà repartis quand on arrive et que l’on se jette littéralement par terre. David nous annonce qu’il reste 1 heure. Alors ça, c’est une nouvelle qui redonne la pêche ! Et en effet, le sommet se détache sous le ciel étoilé. Il semble encore si haut, mais à la fois si proche ! David semble s’être rendu compte que j’avais repris du poil de la bête, car il ne me demande plus si je veux arrêter. De toute façon, à une heure du sommet, c’est hors de question. Nous sommes à 5 850 mètres d’altitude. David attire notre attention et nous montre quelque chose du doigt. On tourne la tête et on la voit : une faible lueur à l’horizon. Nous entamons ainsi l’ascension finale sous le jour levant et cette fois-ci, il n’y a plus aucun doute : nous allons le faire 💪
C’est la partie la plus difficile. La pente est raide, les versants de la montagne s’ouvrent en un gouffre immense. Le moindre faux pas et… « Tu crois qu’il serait capable de nous retenir si on tombe ? », je demande à Rémi. Qui me répond avec justesse de ne pas penser à ça 😵 On enchaine laborieusement les lacets de la montagne, toujours plus raides. On est dans le dur, mais l’euphorie monte. Les larmes aussi. Allez, on reste concentré, sinon je vais m’écrouler d’émotion avant même d’atteindre le sommet 😂. Plus que quelques mètres. Déjà, les premiers nous font signe depuis le sommet. Le jour est levé, c’est maintenant le soleil qui perce à travers les nuages. On va le faire. On est en train de le faire. C’est dur, très dur, les derniers mètres sont un calvaire mais on s’accroche, la victoire est à portée de main. Et puis…
À 6 h 09 du matin, après 6 heures de marche, nous atteignons le sommet du Huayna Potosi à 6 088 mètres d’altitude. Quel exploit ! Quel bonheur ! Quelle fierté ! Les émotions se mélangent, mais on peine à les analyser ou même à prendre le temps de vraiment les ressentir. Tout s’enchaine. Nous sommes à plus de 6 000 mètres d’altitude, il fait un froid glacial, les nuages montent rapidement de la vallée maintenant que le soleil est levé. Il n’y a pas de temps à perdre. David nous prend en photo. La plupart sont flous, on s’en rendra compte plus tard. Mais notre sourire épuisé et fier se voit parfaitement. On se congratule avec les autres membres du groupe, avec Rémi, avec les guides. Ils sont très fiers d’avoir emmené l’ensemble du groupe au sommet.
On prend le temps d’admirer le paysage : les flancs enneigés du Potosi, les montagnes environnantes, la vallée et même, au loin, le lac Titicaca. Le soleil jette ses rayons matinaux sur le paysage, embrasant le tout d’une magnifique lueur rougeoyante. Comme c’est beau ! On se sent tout petit face à un tel paysage.
Nous restons 10 minutes au sommet du Potosi. Déjà, le soleil disparaît derrière les nuages, la vue aussi. Que dire de la descente ? On y pense rarement. Obnubilés par l’ascension en elle-même et la perspective du sommet, on en oublie qu’une fois là-haut, il va falloir redescendre. Et David avait raison : il est important de garder des forces pour la descente, car elle est tout aussi éprouvante que la montée. On avait peur d’avoir le vertige en faisant face au vide. Mais finalement, avec les nuages, la visibilité est aussi nulle de jour que de nuit. Si nous avons monté la montagne dans le noir, on l’a redescendue dans le blanc ! Pendant 2 h 30 de descente, nous évoluons dans un blizzard sans fin qui nous fouette douloureusement le visage.
Cette fois-ci, c’est Rémi qui ouvre la marche. Malgré le blizzard, rien de compliqué : il suffit de suivre nos propres traces. Si à l’aller, on avait besoin de pauses régulières, on a maintenant tellement hâte de rentrer que plus rien ne nous arrête 😂. J’ai souffert pendant la montée et c’est au tour de Rémi d’être dans le dur. Heureusement, notre motivation à rentrer au refuge pour un thé chaud et la perspective de passer la nuit dans un appartement tout confort à La Paz n’a aucune limite ! Là-haut dans la montagne, dans un environnement si hostile et dangereux, la simple idée d’une douche chaude et d’un lit confortable nous semble paradisiaque. Même les crevasses sans fond, maintenant clairement visibles, ne nous effraient plus !
Quand on franchit la porte du refuge, on s’effondre sur le lit, frissonnants de froid et d’épuisement. 30 minutes passent en silence avant que l’on retrouve l’usage de la parole devant un thé bien chaud. Quelle épopée ! Rémi est k.o sur le lit, incapable d’avaler quoi que ce soit. Quant à moi, j’ai retrouvé l’appétit. Je bois plusieurs thés et je mange des Twix ! Nous avons emporté 3 litres d’eau jusqu’au sommet et bu… 700 mL à deux ! Bon au moins, on n’a pas fait pipi une seule fois ! 😆 Et les snacks ? On les a tous rapportés ! Les guides nous servent ensuite une soupe chaude qui fait le plus grand bien. Il est 9 heures ! Le gag de fin d’aventure : au contact de l’air glacé du refuge, nos chaussettes chaudes fument ! Ça nous fait bien marrer ! 🤣
Après une heure de repos, il est déjà temps de repartir. Il faut à nouveau faire entrer tout le matériel dans les sacs. Et après l’ascension de cette nuit, ceux-ci paraissent encore plus lourds que la veille. Heureusement, aujourd’hui, ce n’est que de la descente ! Et elle est rapide, car on a tous hâte de rentrer à La Paz pour prendre une douche chaude et… aller se coucher ! Nous atteignons le premier refuge en 1 heure. De là, un minivan nous ramène à La Paz. Nous avons loué un Airbnb pour les quatre prochains jours, afin de se reposer et de passer Noël au calme. Et après ces trois jours sur le Potosi, autant dire que du calme et du repos, on en a bien besoin !
Atteindre le sommet du Huayna Potosi restera le moment le plus intense de notre voyage à travers les Amériques, mais aussi le plus dur. On est super fiers et très heureux de s’être dépassés comme jamais pour gravir un sommet de plus de 6 000 mètres et d’avoir vécu tout ça à deux, ensemble. L’ascension du Potosi nous a permis de vivre une incroyable aventure dans l’aventure, que l’on a vécue à fond et pour laquelle on a tout donné. On est super contents de l’avoir faite… et surtout réussie ! Elle nous a aussi permis de nous rendre compte que la haute montagne et l’alpinisme, c’est cool… mais juste une fois ! 🤣
C’est aussi beaucoup de stress, d’appréhension et de risques. Nous avions parfaitement confiance en nos guides, mais le risque omniprésent de souffrir du mal des montagnes, dont les conséquences peuvent être gravissimes, est un stress permanent qui a vite fait de tourner à l’angoisse. Alors, même si atteindre le sommet du Potosi nous a procuré un immense bonheur, beaucoup de fierté et un grand sentiment d’accomplissement partagé, on va maintenant s’en tenir aux randonnées que l’on peut faire en toute autonomie, sans se mettre en danger et où on peut parcourir 2,9 kilomètres en moins de 6 heures ! En bref, on a eu notre dose 😁🤘
9 comments
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Félicitations ! Que de souvenirs pour vous ! J’en avais les larmes aux yeux tellement on sent vos émotions dans votre récit !
Merci beaucoup Muriel ! 🙂
Coucou les aventuriers,
on prend cette fois-ci 5′ pour commenter vos aventures que l’on suit systématiquement même si on ne se prononce que rarement ! Comme très souvent, quel plaisir de te lire Natacha et de regarder Rémy, tes si jolies pictures ! Aujourd’hui, nous avons vraiment et grâce à vous revécu cette ascension que nous avions effectuée en 2002 (un petit coup d’oeil sur https://alaskaterredefeu.jimdo.com/nos-voyages-%C3%A0-la-d%C3%A9couverte-du-monde/bolivie-2002/). Et même si nous étions probablement plus expérimentés et acclimatés que vous après être resté en altitude entre 4000 et 5300 m (après le sud Lipez, la Salar d’Uyuni et la traversée de la cordillère royale – le le Pic Austria uniquement pour Muriel car moi j’étais trop cassé – comme quoi), effectuer une telle ascension n’est effectivement jamais très simple, même s’il s’agit d’un + de 6000 relativement accessible. On n’en rajoutera pas, tout a été narré avec les mots (maux) justes de Natacha. On a même senti un brin d’émotion !
Nous non plus on n’avait pas fait de photos durant l’ascension nocturne (on gardait les piles en état pour le sommet) !
Sincèrement bravo à tous les deux.
On ne savait pas que vous aviez fait le Potosi aussi lors d’un premier voyage !! Du coup on est allés voir vos photos, c’était plus rustique niveau hébergements ! xD On était bien lotis à côté ! 😅 Merci pour votre petit message ! Profitez-bien du Sri Lanka !! Bisous de Castro !
La candeur de votre découverte de la haute montagne est un réel plaisir à lire !
Bravo pour cette belle ascension, vous êtes maintenant parés pour nos sommets alpins !
Merci beaucoup ! On espère en effet pouvoir randonner dans les Alpes un jour 😊 Mais sûrement plus en si haute altitude !
Oui, ça va être dur de trouver un 6.000 dans les Alpes 🙂 mais il y a largement de quoi se dépasser là aussi !
Mamie
7 février 2024
Quelle aventure !!!! J’ai pris un immense plaisir à découvrir cette ascension qui m’a donné le frisson en pensant à vous.
Courage, volonté et détermination c’est ce qu’il vous a fallu pour affronter les difficultés, le froid et l’altitude.
Félicitations pour tout çà.
Je vous embrasse.
Génial ce récit, j’en ai pleuré !!!
Bravo ma chérie, bravo aussi Rémi 👏👏
Quel souvenir fantastique, inoubliable, qu’elle belle aventure, quel mental pour arriver tout en haut… Bel exploit re bravo !!! 💕