Toujours dans l’incroyable parc national Los Glaciares, nous nous lançons dans l’un des treks les plus difficiles de la région : Le circuit Huemul. Franchissement de rivière en rappel, glacier miné de crevasses et de grottes, ascension technique dans la neige, températures glaciales et vent violent, mais aussi et surtout des points de vue à couper le souffle dans une des parties les plus sauvages du parc national, c’est ce qui nous attend pendant les 3 jours de ce trek emblématique de la Patagonie argentine. Notre objectif : le troisième plus grand champ de glace au monde !
Jeudi 21 mars 2024
Nous avions abandonné l’idée de faire le circuit Huemul. En effet, les rangers du parc national Los Glaciares nous avaient fortement déconseillé cette boucle en terre sauvage. En cause : les fortes chutes de neige qui ont rendu le sentier impraticable dans les hauteurs. Mais… Notre désir de voir le champ de glace de la Patagonie est plus fort que tout. Alors, si nous ne pouvons pas faire la boucle de 4 jours du circuit Huemul, nous pouvons en revanche tenter de monter jusqu’au Paso del Viento, le point de vue le plus accessible duquel il est possible d’apercevoir le champ de glace. Au départ du sentier, un spectacle de bon augure s’offre à nous : la célèbre skyline du parc national Los Glaciares se détache dans le ciel d’un bleu limpide. Le mythique Fitz Roy et le Cerro Torre réunis sur une même photo. Magnifique 🤩
Au programme : 3 jours de trek et 2 nuits de camping en backcountry pour un total de 45 kilomètres de marche. On se prépare à affronter des conditions extrêmes et un sentier particulièrement enneigé. Or, même si nous revenons tout juste d’un trek de 3 jours dans le parc national Los Glaciares suivi d’une journée de 31 kilomètres de marche, la récompense au bout semble valoir tous les efforts : le troisième plus grand champ de glace au monde. C’est parti ! Nourriture pour 3 jours, location des équipements de camping et de rappel, dernière vérification de la météo au centre de services du parc, enregistrement en ligne et signature déchargeant toute responsabilité au parc en cas d’accident quelconque en milieu naturel, et nous sommes parés pour une nouvelle aventure en Patagonie argentine 🤠.
15 kilomètres de marche nous attendent pour rejoindre le camping de la Laguna Toro. Les premiers kilomètres montent sec tandis que l’on laisse El Chaltén derrière nous. Et très rapidement, plus vite que prévu, les premières neiges apparaissent. Cependant, les quelques randonneurs que l’on croise nous rassurent : la plupart d’entre eux ont réussi à atteindre le Paso del Viento. C’est bon signe, même s’ils nous préviennent que le sentier là-haut est très enneigé et qu’ils regardent d’un air dubitatif nos chaussures et pantalons de randonnée pas du tout adaptés à des conditions neigeuses. Eux sont en pantalon de ski, chaussures imperméables et guêtres 😬. On est tout de même bien motivés à tenter le coup, quitte à devoir faire demi-tour si les conditions s’avèrent trop extrêmes.
Dans les sous-bois, la neige est dure, elle craque sous nos chaussures. On adore ce bruit, souvenirs de vacances au ski et d’aventures québécoises !
Sur les plaines et le long des pâturages, où le soleil tape fort, on patauge dans 10 centimètres de neige molle qui mouille nos chaussures, puis nos chaussettes. Alors on avance prudemment, prenant grand soin de marcher dans les traces existantes pour rester au sec et au chaud le plus longtemps possible. Heureusement d’ailleurs qu’il y a des traces, car dans cette partie sauvage du parc, il n’y a aucune indication montrant le chemin ! On n’aimerait pas devoir trouver notre chemin dans cette immensité sauvage après une chute de neige.
Lorsque l’on atteint le col, la neige est plus abondante que jamais. En revanche, la vue est incroyable sur la vallée en contrebas et les eaux d’un bleu glacé du lac Argentino. Les sacs sont lourds, les épaules meurtries et les jambes endolories, mais qui dit col, dit fin de la montée ! 😃
Et dès que l’on franchit le col, la vue s’ouvre sur la vallée suivante et c’est la stupéfaction : 1- nous sommes face à l’un des plus beaux paysages du voyage. 2- il n’y a pas la moindre trace de neige ! Et dire que les rangers nous avaient annoncé un sentier impraticable, recouvert de 20 centimètres de neige. Soit ils étaient mal informés, soit ils n’avaient pas très envie que l’on s’aventure de ce côté 🤔. Cette vallée verdoyante, époustouflante de beauté et de sérénité semble être un coin de paradis perdu au milieu des pics rocheux hostiles qui l’entourent. De l’autre côté, loin, très loin, nous apercevons le Paso del Viento, notre objectif du lendemain. Pour le rejoindre, nous allons devoir traverser la vallée dans toute sa longueur.
Le terrain descend en pente douce entre de vastes pâturages où vaches, taureaux et veaux se promènent en toute liberté. Ils sont énormes et meuglent en nous voyant approcher. On fait donc de grands détours pour les contourner prudemment, sans les quitter des yeux. Loin de nous l’envie de se faire charger par un taureau un peu trop protecteur 😆.
On arrive au camping de la Laguna Toro en fin d’après-midi, après une marche rendue épuisante par le poids des sacs à dos. Les rangers nous avaient préparés à camper sur 20 cm de neige, mais tout est sec. Par contre, l’endroit ressemble à un champ de bataille. Des abris de branches ont été érigés dans les bois pour couper le vent. Il n’y a pas de vent pour l’instant, mais on choisit quand même l’abri qui nous semble le mieux protégé. On a l’embarras du choix, car seuls deux autres emplacements sont occupés. Cette fois-ci, afin de limiter le poids, nous avons pris une seule tente de 3 personnes. Elle est rapidement montée et on profite des derniers rayons de soleil pour boire un thé chaud et manger des conos au dulce de leche, que Lucas a emportés en secret 😋
Au menu de ce soir : soupes de vermicelles et purée en sachet ! On n’a rien trouvé de mieux pour alléger le poids des sacs au maximum, mais on est tellement affamés que ça fait l’affaire. On mange rapidement puis on s’enferme dans la tente, bien au chaud dans les sacs de couchage. Demain, une longue journée de marche nous attend.
Vendredi 22 mars
Enfin longue, tout est relatif. En effet, nous avons « seulement » 7 kilomètres à parcourir pour atteindre le Paso del Viento, soit 14 kilomètres au total pour revenir au camping. Ce n’est pas énorme, pourtant on part sur un sentier que l’on sait particulièrement technique. Heureusement, on laisse au camp la majorité de nos équipements. Le réveil sonne à 7 h, mais comme il fait encore nuit, on patiente jusqu’à ce que le jour commence à se lever. On prend le petit-déjeuner de muesli, bananes et beurre de cacahuète dans la tente, puis on s’habille, on s’équipe et c’est parti ! Paso del Viento c’est tout droit, tout là-haut !
Le jour se lève paisiblement tandis que l’on fait nos premiers pas sur le sentier en longeant la lagune Toro. Pour se repérer, on suit les cairns placés ça et là par les autres randonneurs. Il faut parfois avoir l’œil perçant pour les repérer dans les vastes étendues qui s’étendent face à nous, car certains sont de petits tas de quelques pierres que l’on aperçoit à peine.
On profite d’un ruisseau pour faire le plein d’eau. Nous sommes les premiers de la journée sur le sentier. Tout est paisible, silencieux, sauvage. On aimerait apercevoir un puma, mais on aperçoit seulement quelques oies et canards dans les lacs immobiles où se reflètent parfaitement les montagnes alentours.
Après 1 kilomètre, première difficulté. On fait face à une rivière grondante. Impossible de traverser à pied sans se faire emporter ou finir complètement trempé. Heureusement, tout est prévu : une corde, une poulie et un panneau « danger » ! 😅 C’est le moment de faire travailler les bras ! Au village, nous avons loué un harnais et deux mousquetons chacun. On analyse, on vérifie la solidité des équipements, on s’équipe et c’est sous la supervision de Rémi que Lucas se lance en premier !
Les sacs viennent ensuite !
Je passe ensuite et j’arrive de l’autre côté les bras brûlants, puis c’est au tour de Rémi, qui traverse en un éclair.
1 heure plus tard, nous sommes tous sains et saufs de l’autre côté du canyon. Mais pas le temps de se remettre de nos émotions. Il faut continuer à avancer. Et c’est le moment de prendre de la hauteur ! L’ascension est périlleuse. Le terrain est accidenté, la roche est instable et roule sous nos pas et on créé parfois de petits éboulis. En plus, on a du mal à s’orienter, car les cairns se sont parfois écroulés.
Mais au milieu de cet éboulis géant, tous les chemins mènent au même endroit : le glacier Tunnel. La vue est à couper le souffle : la langue du glacier, qui prend naissance haut dans la montagne, vient mourir dans la vallée en créant une magnifique vague. Les rangers nous ont conseillé d’éviter de marcher sur la moraine du glacier (abord du glacier composé de débris rocheux libérés lors de l’érosion, du mouvement ou de la fonte du glacier), car le terrain s’est récemment affaissé et demeure très instable. Et en effet, on constate rapidement que d’énormes parties de la moraine se sont écroulées, formant des glissements de terrain qui ne semblent pas vraiment avoir fini de glisser…
Si on ne peut pas évoluer sur la moraine, la seule solution pour continuer à avancer : marcher sur le glacier ! Pas besoin de crampons, car la glace est ici recouverte de roche. Mais le danger, ce sont les crevasses. Elles sont pleines d’eau glacée, bouchées par la neige ou la roche ou ouvertes sur un vide sans fond d’un bleu profond. Dans tous les cas, mieux vaut ne pas tomber dedans ! On les enjambe donc prudemment ou on les contourne quand elles sont trop larges. On est très impressionnés par cet immense et beau glacier, Lucas d’autant plus que c’est la première fois qu’il marche sur un glacier.
Mais au bout de quelques mètres, les crevasses se multiplient et on est incapable de continuer sans faire d’immenses détours. On remonte donc sur la moraine et on part à la recherche du sentier. Il est difficile à discerner parmi la roche éboulée et on avance un peu à tâtons, s’arrêtant ça et là pour tenter de trouver les cairns. C’est la partie la plus difficile du sentier, on avance lentement mais on laisse progressivement le glaciel Tunnel derrière nous.
Commence ensuite la longue ascension jusqu’au col. La montée est constante et de plus en plus enneigée. Heureusement, le froid de la nuit a glacé la neige, qui est dure sous nos pas. Il suffit de mettre les pieds dans les traces profondes laissées par les randonneurs de la veille pour rester tant bien que mal au sec. On a de la neige jusqu’aux genoux !
On arrive finalement au col Paso del Viento à 13 heures, après 5 heures de marche pour parcourir 7 kilomètres ! D’un côté, la vallée que nous venons de traverser, entre hier et aujourd’hui. De l’autre, le champ de glace.
Au moment de poser nos yeux dessus pour la première fois, on retient notre souffle. Malgré la difficulté du sentier, l’abondance de la neige et les découragements des rangers, nous y sommes arrivés ! Après la découverte d’une partie du champ de glace Nord de Patagonie quelques semaines plus tôt, nous voilà face au champ de glace Sud de la Patagonie. Le moment est magique. La vue, magnifique. On est fiers et heureux d’être arrivés jusqu’ici pour admirer ce spectacle incroyable. Nous sommes face à la troisième plus grande calotte glacière au monde après celles de l’Antarctique et du Groenland. La glace s’étend à perte de vue et encore, on n’en voit d’ici qu’une petite partie ! Le champ de glace fait 350 kilomètres de long pour une superficie de 16 800 km2.
On mange face à la vue, mais le vent qui se lève brusquement nous chasse du sommet et on part se mettre à l’abri un peu plus loin. Paso del Viento porte bien son nom ! Le vent est violent et glacial. On ne peut s’attarder au col, il nous faut rapidement redescendre. Dans la précipitation, on jette à peine un dernier coup d’œil au champ de glace avant d’entamer la descente jusqu’au camping, tout en bas dans la vallée.
Commence ensuite une longue descente, sur un sentier très accidenté, très technique, où chaque pas doit être calculé et où toute blessure pourrait être dangereuse. On se sent si loin sur ce sentier désert, à 2 jours de marche du premier village, en pleine nature. C’est à la fois magique et effrayant. On est livrés à nous-mêmes.
Et en ces terres hostiles, on a beau faire attention, le danger peut venir de n’importe où… Au glacier Tunnel, on s’arrête observer une grotte de glace, dont le bleu profond nous hypnotise. Quand tout à coup…
Paf ! Une grosse roche me tombe dessus, manquant de m’assommer. Lucas, de son côté, se montre aventureux et part explorer la moraine du glacier, très instable, sous nos yeux angoissés. Un faux pas, un glissement de terrain, un éboulis et il pourrait finir enseveli ou au fond d’une crevasse ! Quel stress !
Enfin, on laisse le glacier Tunnel derrière nous. C’est sans conteste un des plus beaux glaciers que l’on a vus pendant le voyage. Pouvoir marcher dessus, en toute liberté, sans avoir besoin d’avoir recours à un guide et de payer des prix exorbitants est un vrai privilège que nous offre le parc national Los Glaciares. C’est ce que nous avons préféré de notre passage sur le circuit Huemul.
Dernier obstacle de la journée : la rivière ! Le torrent ne s’est pas calmé depuis ce matin, bien au contraire. On ressort notre matériel de rappel. Un mexicain se prépare à traverser devant nous. Il semble très content de nous voir débarquer. Le sentant en difficulté, Rémi l’aide à s’équiper et lui explique comment fonctionne le matériel. On se demande comment il a traversé à l’aller, celui-là ! Probablement pas de façon sécuritaire. Il semble d’ailleurs surpris d’apprendre que nous avons réussi à aller jusqu’au Paso del Viento. « Je me suis perdu ! », nous dit-il. Il a dû faire demi-tour avant même d’atteindre le glacier. Nous avons simplement croisé deux groupes de deux personnes dans la journée. S’aventurer seul en ces terres sauvages et isolées nous semble un peu inconscient !
Cette fois-ci, nous avons hâte d’arriver et la traversée est efficace. Là où nous avions mis 1 heure à l’aller, nous plions cette fois-ci l’affaire en 30 minutes. Il faut dire que l’on est maintenant dans le sens de la descente : un bon coup de pied dans la roche et la tyrolienne nous emmène de l’autre côté sans effort.
Encore 1 heure de marche le long de la laguna Toro et le camping est enfin en vue ! Nous sommes épuisés, pas tant par la longueur de la marche que par sa technicité. Il est 17 heures. Pour parcourir 14 kilomètres aller-retour, nous avons mis 9 heures ! Nos jambes sont en coton. Mais malgré la fatigue, nous sommes très heureux de cette journée. Cette partie du circuit Huemul est à couper le souffle, loin de la foule du Fitz Roy et des autres parties plus populaires du parc national Los Glaciares. Nous sommes même déçus que les rangers nous aient dissuadés de faire le circuit Huemul en entier. Après avoir vu l’état du sentier de nos propres yeux, on aurait tout à fait pu faire la boucle entière, à condition de ne pas avoir peur de se mouiller les chaussettes 😆 !
Dans la soirée, un renard pas farouche vient nous rendre visite. Il s’approche, fait tranquillement le tour de tous les emplacements et parvient même à chiper un sachet de nouilles déshydratées à notre ami mexicain 😅.
Samedi 23 mars
On s’en doutait, mais ça se confirme : nous allons devoir faire les 15 kilomètres retour sous la pluie. On plie le camp, on enfile nos k-ways par dessus nos sacs à dos et c’est parti ! Outre la pluie qui tombe sans discontinuer, de gros taureaux nous donnent quelques frayeurs sur le chemin, mais on arrive à les contourner au pas de course en faisant de longs détours. Au total, nous mettons 4 h 30 pour revenir au parking où nous attend le Jeep. On mange rapidement sous l’auvent -il pleut toujours- puis on prend la route en direction d’El Calafate. Ainsi s’achève notre semaine d’aventures à El Chaltén et dans le parc national Los Glaciares… mais pas tout à fait. Nous avons encore un dernier secteur du parc à découvrir : le secteur du glacier Perito Moreno !
1 commentaire
Et bien quel périple !!! 🥶 Et hyper dangereux en plus…. J’ai failli perdre mes deux enfants d’un coup !!
🤣😭🤣😭
Mais ça valait le coup pour admirer ce glacier phénoménal. C’est une couleur bleue presque irréelle tout au fond des crevasses.
Il n’y a pas de photo de Lucas en haut du glacier. Y est-il vraiment arrivé ? 😉
Bisou